Lors du sixième forum trilatéral des entreprises à Paris, la présidente du Parlement européen, Mme Metsola, a déclaré que pour stimuler la compétitivité de l’Europe, il faut d’abord améliorer la productivité de l’économie
Monsieur Patrick Martin, Président du MEDEF, Monsieur Emanuele Orsini, Président de la Confindustria, Madame Tanja Gönner, directrice générale de la BDI, Monsieur Tajani, cher Antonio, Chers membres et chers participants à ce Forum trilatéral des entreprises,
Merci de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd’hui. Permettez-moi tout d’abord de dire combien il est important pour le Parlement européen de débattre avec les industries européennes, qui nous aident, tout particulièrement au début d’un nouveau cycle législatif, à comprendre ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et, plus important encore, quel cap nous devons nous fixer.
Le contexte dans lequel nous nous réunissons n’est pas des plus favorables. Nous entrons dans le quatrième hiver de l’invasion de l’Ukraine par la Russie; l’isolationnisme gagne du terrain tandis que les clivages géopolitiques s’aggravent, que les progrès technologiques s’accélèrent et que la manière dont les puissances économiques mondiales perçoivent leurs industries par rapport à l’évolution des nôtres change – la place de l’Europe sur la scène mondiale subit une pression extraordinaire. Nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras croisés ni de nous laisser écraser.
Nous devons agir. Ne pas nous contenter d’une vision économique, mais faire preuve de volonté politique d’apprendre, de s’adapter et de se réformer.
Les plus beaux jours de l’Europe doivent être devant nous.
Mesdames et Messieurs,
Je suis d’une nature optimiste, mais c’est en réaliste que je m’exprime devant vous aujourd’hui. Nous connaissons les défis, nous savons ce que nous devons faire. Il nous reste juste à trouver comment procéder.
Si je dis cela, c’est pour inscrire dans un contexte ce que je pense devoir être notre priorité au cours du prochain cycle législatif. Soyons clairs: vous ne trouverez pas plus pro-européenne que la Présidente du Parlement européen. Malgré tout, j’estime que c’est en faisant montre d’un certain degré d’autocritique, d’écoute, de changement de cap le cas échéant, que nous renforcerons notre projet européen à long terme et que nous pourrons retrouver notre avantage concurrentiel.
Lorsque nous parlons de stimuler la compétitivité de l’Europe, la productivité doit être notre point de départ. Au cours de la dernière décennie, la productivité du travail en Europe n’a augmenté que de 0,8 % par an. Il ne s’agit pas seulement d’une statistique, mais d’un signal d’alarme. Avec une population vieillissante et une main-d’œuvre toujours moins nombreuse chaque année pour faire tourner nos industries, et alors même que nous investissons dans la reconversion et le perfectionnement professionnels des travailleurs, améliorer la productivité n’est pas juste une option, c’est une nécessité.
La solution clé pour y parvenir réside dans l’innovation, la prévisibilité et le fait de garantir la rentabilité de nos industries. C’est ainsi que nous pourrons regagner le terrain perdu. En accélérant notre transition numérique et en investissant dans des secteurs stratégiques tels que les technologies propres, l’industrie pharmaceutique, les transports et les semi-conducteurs, nous pouvons favoriser une croissance durable et préparer un avenir pérenne pour nos industries.
L’industrie européenne ne peut prospérer que dans un environnement et un cadre adéquats. Pour ce faire, nous avons besoin d’une réglementation intelligente et efficace, ce qui implique de se concentrer sur la mise en œuvre et la prévisibilité et de ne pas changer trop souvent les règles du jeu.
Trop souvent, nous constatons que des politiques bien intentionnées étouffent involontairement le progrès. Les microentreprises et les PME sont souvent les plus durement touchées par des charges lourdes, excessives et changeantes en matière d’obligations d’information ou de mise en conformité.
Je veux que l’Union européenne soit connue pour sa réglementation efficace plutôt que pour sa bureaucratie, encore trop importante. En tant que colégislateur, le Parlement européen a un rôle essentiel à jouer pour garantir un cadre réglementaire prévisible et simplifié ainsi qu’un accès plus rapide aux financements.
S’il y a une chose que nous avons apprise en tant que candidats aux élections au Parlement européen, c’est que nous avons besoin de règles plus intelligentes, plus efficaces et plus prévisibles. Nous aurons également besoin de votre aide face à nos interlocuteurs du Conseil, aux ministres et aux chefs de gouvernement pour prendre des décisions concernant les instruments législatifs en question.
Ces deux dernières semaines, nous avons organisé les auditions des commissaires désignés avec comme objectif que la nouvelle Commission soit formée pour le 1er décembre. Cela n’a pas été facile, mais le calendrier que nous avons prévu sera le même qu’il y a cinq et dix ans. Nous ne sommes ni en retard ni en avance, nous sommes dans les délais. Avec l’examen de ces candidats, nous entendons précisément garantir la mise en œuvre de nos plans et de nos plateformes. Nous savons également que les coûts de l’énergie nous freinent. Il s’agit d’un élément essentiel du casse-tête que nous devons résoudre. Les entreprises de l’Union sont confrontées à des coûts de l’électricité jusqu’à trois fois plus élevés que dans d’autres régions, ce qui entraîne une hausse des coûts de production, réduit les marges et nuit à la compétitivité. Dans l’immédiat, nous devons redoubler d’efforts pour diversifier nos sources d’énergie grâce à des partenariats prévisibles et fiables, sachant que nous devons également nous-mêmes être prévisibles et fiables. La situation outre-Atlantique ne fait qu’accroître la nécessité de traiter rapidement ce problème. Je suis d’avis que lorsque nous parlons d’énergie, nous ne devons pas nous contenter de progresser – il faut plus d’intégration. Un marché européen de l’électricité pleinement interconnecté pourrait réduire de 20 % à 30 % environ les besoins d’investissement pour les capacités de stockage et de réserve. En adoptant des politiques communes – comme la réforme du marché de l’électricité de l’Union que le Parlement européen a votée cette année – nous pouvons créer un système qui nous soit profitable à tous. Voilà à quoi ressemblerait une véritable autonomie stratégique. Il va de soi que rien ne sera possible sans financement. Le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne expirera en 2027, ce qui nous offrira une occasion unique de concevoir un budget moderne, flexible, réactif aux crises et aligné sur les investissements dont nous avons besoin. En tant qu’autorité budgétaire, le Parlement européen jouera également son rôle en la matière.
Aujourd’hui, le financement public peut nous permettre d’aller loin, mais il ne sera clairement pas suffisant. C’est pourquoi l’achèvement de notre union de l’épargne et des investissements constitue une priorité urgente. C’est ainsi que nous pourrons inciter nos entreprises à rester en Europe et à s’y développer. C’est ainsi que nous pourrons mobiliser les capitaux privés pour investir dans nos priorités, et c’est ainsi que nous aiderons le secteur public à financer sa part.
Et permettez-moi ici de faire le point sur la fragmentation de nos marchés.
Pour dire les choses simplement, il s’agit de notre pire ennemi. Nous constatons les conséquences de la fragmentation dans les secteurs de l’énergie, de la banque et des marchés des capitaux. Mais nous les observons aussi dans d’autres secteurs, notamment les télécommunications et la défense.
L’année dernière, nous avons célébré les trente ans de la création de notre marché unique. Il y aura toujours des obstacles et des défis, mais son épreuve de vérité reste et restera toujours sa capacité ou non de continuer à s’adapter. Nous devons poursuivre nos efforts pour que le marché unique reste capable de tenir ses promesses.
Ce n’est qu’une question de volonté politique, j’en suis convaincue. Tout simplement parce que nous manquons de temps.
Le Parlement européen n’a pas peur du changement. Nous l’acceptons. Parce que nous comprenons la responsabilité qui est la nôtre, non seulement à l’égard de l’économie européenne, mais aussi à l’égard de toute personne qui en dépend.
Je tiens à vous assurer qu’au cours des cinq prochaines années, le Parlement européen poursuivra ses efforts en faveur d’une Europe au service de ses entreprises, de ses industries, de ses familles, de ses usines et de ses agriculteurs.
D’une Europe qui défend les intérêts européens, qui stimule la croissance et assure la stabilité. Une Europe prête à relever les défis d’aujourd’hui et armée pour faire face aux incertitudes de demain.
Je vous remercie.