Metsola : C'est le moment de répondre à l'appel de l'Europe 

 

À l'occasion de la Journée de l'Europe, la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, ainsi que le Président de la République française, Emmanuel Macron et la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, ont reçu les contributions des citoyens pour une Europe meilleure, plus forte et plus juste lors de la cérémonie de clôture de la conférence sur l'avenir de l'Europe. Dans son discours, la Présidente Metsola a évoqué la réalité de l’écart qui existe entre ce que les gens attendent de l’Europe et ce que l'Europe est en mesure de leur fournir à l'heure actuelle, notamment dans les domaines de la santé, de l'énergie et de la sécurité. Elle a également déclaré que l'avenir de l'Europe est lié à l'avenir de l'Ukraine.

Madame la Présidente von der Leyen,
Monsieur le Président Macron, 
Monsieur le Premier ministre Costa,
Chers Européens,

C’est avec une grande fierté que je prends la parole aujourd’hui, en ce jour qui marque une étape décisive de cette entreprise inédite de citoyenneté active, de construction de notre Europe, de modernisation des fondements sur lesquels elle repose. 

Aujourd’hui, de tous les discours prononcés ici, il y a un message qui, je le crois, il nous faut retenir: l’avenir de l’Europe reste à écrire et cette histoire dépend de vous, de nous tous. 

Le débat que nous menons a pris un cours nouveau le 24 février, jour où le président Poutine a ordonné à son armée d’envahir l’Ukraine. Cet acte d’agression sorti tout droit du Moyen-Âge a changé la face du monde. 

Le monde de l’après-24 février est en effet très différent. Il est plus dangereux. Le rôle de l’Europe s’en est trouvé transformé. Nous n’avons plus de temps à perdre. 

La riposte que nous avons mise en place face à cette invasion et que nous devons continuer d’y opposer en dit long sur nos valeurs. L’unité et la détermination dont nous avons fait preuve ont confondu nos détracteurs et nous ont rendus fiers d’être Européens. C’est sur cette voie que nous devons poursuivre.

Mais à l’heure où nous parlons, l’Ukraine reste envahie. Les bombes continuent de semer la mort aveuglément. Des femmes sont violées. Des millions de réfugiés ont fui les combats et des millions d’autres ne manqueront pas de les suivre. Dans les tunnels de Marioupol, des habitants restent pris au piège.

Les Ukrainiens comptent sur l’Europe pour qu’elle les aide. Car, comme ces millions d’Européens qui, sous la contrainte, ont dû vivre pendant un demi-siècle derrière le Rideau de fer, ils savent que l’Europe est la seule voie possible. 

Et l’avenir de l’Europe est lié à celui de l’Ukraine. Le péril qui nous menace est bien réel. Et l’échec aurait de très lourdes conséquences. 

Alors je me demande: quel jugement portera l’histoire sur nos actes? Dira-t-elle aux générations qui viennent que le multilatéralisme l’a emporté sur l’isolationnisme? Verrons-nous se renforcer, comme Laura nous le disait, cette relation d’interdépendance entre des nations et des peuples qui sont fiers de leurs différences, mais qui savent que, dans ce monde nouveau, il n’y a d’avenir qu’ensemble? 

Cela dépend de nous. C’est là notre devoir. Et, n’en doutez pas, je vous le dis aujourd’hui, le Parlement européen se battra pour une Europe plus forte et pour toutes ces valeurs que l’Europe porte: la liberté, la démocratie, l’état de droit, la justice, la solidarité et l’égalité des chances.  

Et pour cela, nous devons savoir écouter plus que nous ne parlons. Car le plus important dans cette conférence, c’est vous. Ce qui compte c’est de mettre notre projet au service des habitants de nos villages, de nos villes et de nos régions à travers l’Europe.

L’Europe peut être fière de son histoire. Nous avons créé le marché commun, mené à bien des élargissements successifs à de nouveaux pays, adopté sans réserve le suffrage universel, éliminé les frontières intérieures, mis en place une monnaie commune et inscrit les droits fondamentaux dans nos traités. Le projet européen que nous portons est une réussite. Certes, il n’est peut-être pas parfait, mais il est un bastion de la démocratie libérale, des libertés individuelles, de la liberté de pensée, de la sûreté et de la sécurité.  Et il est un phare pour des millions d’hommes et de femmes en Europe et dans le monde. 

Mais cette conférence montre également qu’il existe un fossé entre ce que les citoyens attendent et ce que l’Europe est en mesure d’offrir à l’heure actuelle. C’est la raison pour laquelle elle doit être suivie d’une convention. Et c’est ce que le Parlement européen va exiger. Il y a des enjeux qui ne souffrent aucun atermoiement.

C’est le cas de la défense. Il nous faut une nouvelle politique de sécurité et de défense, car, comme nous le savons, nous avons besoin les uns des autres et, seuls, nous sommes vulnérables. Et sur ce point, il n’est pas question de réinventer la roue. Il s’agit de compléter les alliances en place et non de rivaliser avec elles. 

C’est le cas de l’énergie. Dans ce domaine, nous restons tributaires des autocrates. Tant qu’il demeure des îlots énergétiques. Nous devons nous entraider le temps de nous libérer de la dépendance du Kremlin et investir dans les sources d’énergie de remplacement. Nous le voyons bien, les énergies renouvelables sont capitales pour l’environnement, et le sont tout autant pour notre sécurité. Mais, tout cela, nous ne pourrons le faire qu’ensemble. 

C’est aussi le cas du changement climatique. Devant ce défi auquel notre génération doit faire face, l’Europe peut s’enorgueillir d’avoir été aux avant-postes.

C’est le cas de la santé, où nous devons tirer les enseignements de la pandémie et interconnecter nos systèmes de santé, partager nos informations et mutualiser les ressources. Quand arrivera le prochain virus, nous ne le laisserons plus paralyser nos vies. Notre premier réflexe ne doit pas être de recréer les frontières du passé.

C’est le cas de notre modèle économique, où il nous faut mettre en place suffisamment de souplesse sans hypothéquer la liberté d’action des générations à venir. Où nous devons pouvoir créer les emplois nécessaires à notre prospérité.

C’est le cas des migrations – les vidéos et les témoignages nous l’ont montré – où il nous faut un système juste pour celles et ceux qui ont besoin de protection, ferme avec les autres, et sévère avec ceux qui profitent des personnes les plus vulnérables de la planète.

C’est le cas de l’égalité et de la solidarité. Notre Europe doit rester un lieu où chacun peut être ce qu’il désire être et où les perspectives de vie ne sont pas déterminées par le lieu de naissance, le genre ou l’orientation sexuelle. Une Europe qui défend nos droits, pour les femmes, les minorités, pour nous tous. Une Europe qui ne laisse personne sur le bord du chemin.

Dans tous ces domaines comme dans bien d’autres, je veux que l’Europe soit devant. Car si nous n’y sommes pas, quelque d’autre prendra la place. 

Chers Européens,

Cette conférence sur l’avenir de l’Europe a fait participer des centaines de milliers de personnes de toute l’Europe. Expérience d’une grande intensité, elle nous a permis de vivre la force de la démocratie participative pendant des mois d’échanges et de débat animé. Je tiens à vous remercier pour votre confiance en la promesse de l’Europe. 

Mes remerciements vont en particulier à Guy Verhofstadt et à Dubravka Šuica ainsi qu’aux différentes présidences du Conseil – il y a parmi nous aujourd’hui le Premier ministre Costa et le ministre Clément Beaune –, merci à vous d’avoir veillé à la bonne marche de ce dispositif. Je tiens aussi à remercier le regretté Président Sassoli qui serait très fier aujourd’hui. Et, bien évidemment, rien de cela n’aurait pu avoir lieu sans le personnel du Parlement européen, ni sans les institutions qui ont fait un travail formidable. Je vous demande de les applaudir. Merci à vous tous d’avoir cru en cette démarche, de lutter pour l’Europe, de faire mentir les sceptiques. 

Car il est plus facile d’être sceptique, d’être populiste, de se replier sur soi, et nous devons dénoncer le populisme, le scepticisme et le nationalisme pour ce qu’ils sont: de faux espoirs entretenus par ceux qui n’ont pas de solutions à proposer. Ceux qui ont peur d’emprunter la longue et difficile voie du progrès.

L’Europe, elle, n’a jamais eu peur. L’heure est venue, non pas de reculer, mais d’avancer. 

Nous voici une nouvelle fois à un jalon de l’intégration européenne et aucune piste de changement ne doit être écartée a priori. Toutes les démarches pouvant nous permettre de parvenir à bon port méritent d’être envisagées. 

Étudiante, j’étais engagée en politique parce que j’étais convaincue que la place de ma génération était en Europe. J’en suis toujours persuadée. Pour nous, il n’y a pas de vieille et de nouvelle Europe. Il n’y a ni grands ni petits États. Nous pensons que les idées sont plus importantes que la géographie.

Ce sentiment que j’éprouvais il y a dix-huit ans, à l’heure où dix pays, dont le mien, adhéraient à l’Union, restera à jamais gravé en moi. À la veille du 1er mai, alors que nous comptions les secondes qui nous séparaient de minuit, nous ressentions cette joie, cet espoir et cette passion qui nous animaient tous. Aujourd’hui, les habitants d’Ukraine, de Moldavie et de Géorgie, comme ceux des Balkans occidentaux, se tournent vers nous avec en eux ce même feu sacré. Bien sûr, chaque pays doit suivre la voie qui est la sienne, mais ne craignons pas de libérer la force de l’Europe qui a le pouvoir de changer la vie des gens pour la rendre meilleure, comme elle l’a fait pour mon pays.

Enfin, aujourd’hui, en cette journée de l’Europe, au cœur de l’année européenne de la jeunesse, nous sommes réunis ici, à Strasbourg, au siège du Parlement européen. Nulle part mieux qu’ici on ne mesure la force de la démocratie, et le pouvoir qu’a l’Europe d’aller plus loin, ensemble. 

Le moment est venu de répondre à l’appel de l’Europe. C’est maintenant que nous devons agir.

Je vous remercie.
 

You may find here the transcriptions of her speech per language: