Lorsque nous disons "plus jamais ça", nous devons le penser - La Présidente Metsola s'adresse au Sénat espagnol 

 

À l'occasion de la Journée internationale de commémoration de l'Holocauste, la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a pris la parole lors d'une cérémonie spéciale organisée au Sénat espagnol. Dans son allocution, elle a déclaré que le souvenir sans détermination est vide de sens et que la prise de conscience sans action résolue n'empêchera pas des atrocités similaires de se reproduire.

Monsieur le Président, 
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Chers amis,

C’est un honneur pour moi d’être aujourd’hui, ici, à Madrid, dans ce lieu chargé d’histoire et tourné vers l’avenir. L’ancien hémicycle du Sénat espagnol a vu se dérouler toute l’histoire parlementaire de l’Espagne, de la première Constitution, en 1812, aux délibérations des premiers parlementaires, en passant par l’accomplissement des devoirs constitutionnels des monarques espagnols. Au fil des années, les sénateurs ont participé à la démocratie parlementaire depuis ces mêmes sièges. Ils ont rendu la vie des citoyens espagnols un peu meilleure, un peu plus juste, un peu plus sûre. C’est cette même philosophie que je souhaite voir appliquer dans toute l’Union européenne.

Meilleure. Plus juste. Plus sûre.

Tel est le message que j’apporte en cette journée commémorative de l’Holocauste. Il y a 78 ans, le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau a été libéré. Le régime nazi a assassiné des millions d’hommes, de femmes et d’enfants et a infligé à des millions d’autres personnes des douleurs et souffrances indicibles. 

Aujourd’hui, comme chaque jour, nous nous rappelons le pire crime de l’histoire: des personnes massacrées au seul motif qu’elles étaient juives, ciblées en raison de leur origine ethnique ou raciale ou de leur handicap, assassinées parce qu’elles étaient noires ou homosexuelles. 

La Shoah n’a pas eu lieu du jour au lendemain. Les évènements qui ont mené à Auschwitz, qui ont abouti à la Shoah, ont commencé bien avant: la désignation de boucs émissaires, le harcèlement et la déshumanisation. Ce processus avait été amorcé plusieurs générations auparavant. Le juif était vu comme «l’autre».

Au début des années 1930, on a interdit aux juifs de s’asseoir sur les bancs des parcs. Ils se sont ensuite vus interdire l’accès à des postes dans l’armée et dans la fonction publique. Les étudiants juifs n’étaient pas autorisés à passer certains examens. Les mariages mixtes étaient interdits. Les juifs devaient respecter un couvre-feu. Ils avaient interdiction de quitter le pays. 

Comme l’a dit un jour le rabbin Jonathan Sacks: «le plus terrifiant était l’absence de sentiment d’horreur chez de nombreuses personnes». Cette escalade s’est déroulée dans l’indifférence des témoins, des personnes qui n’ont pas voulu voir. 

Elie Wiesel, lauréat du prix Nobel et rescapé de la Shoah, a écrit: «Nous devons prendre parti. La neutralité aide l’oppresseur, jamais la victime. Le silence encourage le persécuteur, jamais le persécuté.»

Nous devons nous faire entendre. Et je suis fière que le Parlement européen n’ait jamais cessé de s’exprimer. 

Nous constatons aujourd’hui une montée de l’antisémitisme. Chaque jour, nous sommes témoins d’attaques envers les juifs et les synagogues... Des lieux voués à la paix, à Dieu et au culte restent des cibles. Sur internet, la haine trouve de trop nombreux vecteurs pour amplifier sa voix et sa portée. Les réseaux sociaux, en particulier, doivent prendre leurs responsabilités au sérieux. 

Nous savons que ces évènements sont un signe avant-coureur pour l’humanité. Cela compte pour nous tous.

Je l’ai dit hier devant le président de l’État d’Israël, je l’ai dit devant la Knesset, à Jérusalem, et je le répète ici: être antisémite, c’est être antieuropéen. 

Le Parlement européen a la ferme volonté de briser le cycle. De combattre l’antisémitisme. De veiller à ce que nous nous souvenions des calamités passées et à ce que les leçons de l’histoire ne soient jamais oubliées. Nous avons le devoir de nous souvenir, même lorsque les voix des survivants ne pourront plus se faire entendre.

Le Parlement européen est conscient de sa responsabilité à cet égard. La première femme Présidente de notre Parlement, Simone Veil, matricule 7-8-6-5-1, a survécu au déchaînement de l’horreur et du mal à Auschwitz, pour changer le visage de l’Europe. Notre engagement est autant personnel qu’institutionnel. 

C’est pourquoi nous devons nous faire entendre, nous devons agir contre la discrimination et la haine. 


Lorsque nous disons «Plus jamais ça», la sincérité s’impose. La commémoration passe par la fermeté. Prendre conscience sans agir n’empêche en rien les atrocités de se reproduire.  

J’ai déjà insisté sur l’importance de s’élever contre l’intolérance et l’injustice, mais il est nécessaire de le répéter. En effet, tant que l’antisémitisme existera, que des enfants seront harcelés à cause de leurs origines, que les synagogues devront être protégées par un service de sécurité, que des tombes juives seront profanées et vandalisées, que, sur internet, le nombre de théories du complot antisémites ne cessera de croître, alors il ne fait aucun doute à mes yeux que nous ne l’aurons pas assez répété. 

Mesdames et Messieurs, 

Notre Union sait que la diversité constitue notre force et non notre faiblesse. C’est ce qui fait de l’Union européenne, malgré toutes ses imperfections et les difficultés qu’elle rencontre, une superpuissance porteuse de valeurs dont nous devons être fiers.  

Cette Union a réussi à réunir, dans le même hémicycle, 705 députés issus de 27 États membres afin de construire ensemble une Europe meilleure, plus juste et plus sûre. 

Nous avons accompli beaucoup de choses au cours des dernières décennies. Nous nous sommes rassemblés, en tant qu’Union, et avons transformé la vie de millions de personnes. Nous avons fait tomber les barrières intérieures, remplacées par des valeurs communes. Nous avons bâti la paix, garanti la prospérité et apporté une perspective d’avenir.

Aujourd’hui, alors que l’Europe se trouve à un carrefour, nous devons continuer de nous appuyer sur notre atout le plus précieux: les citoyens. Nous devons stimuler les investissements, protéger les droits de l’homme, apporter des solutions, nous défendre mutuellement, répondre aux attentes des citoyens et honorer nos promesses pour améliorer leurs vies.

Il est temps pour l’Europe de se lever et de montrer la voie, d’asseoir sa place dans le monde, de renouveler son engagement et de retrouver son optimisme. Afin que notre projet, le projet de l’espoir, devienne une réalité pour chacun d’entre nous.

Je vous remercie de votre attention.