Un Parlement fort dans une Europe forte - Roberta Metsola réélue Présidente du Parlement européen 

 

Roberta Metsola a été élue par les membres du Parlement européen à la présidence de la Maison de la Démocratie pour deux ans et demi. Dans son discours, la Présidente Metsola a déclaré qu'elle continuerait à défendre un Parlement fort dans une Europe forte.

Chers Collègues,
Chers Européennes et chers Européens,

C’est avec humilité et responsabilité que j’ai l’honneur d’accepter la mission de confiance dont vous me chargez. Votre Présidente, je continuerai à vous servir. Chaque jour, je m’efforcerai de mériter la confiance que vous m’avez accordée et que vous témoignez au Parlement.

Cette Assemblée, chacune et chacun en Europe y a sa place. Ensemble, il nous faut porter une politique d’espoir, porter le rêve qu’est l’Europe, concrétiser la promesse à laquelle croyaient nos aïeules et aïeuls, et qui reste à accomplir.

Après deux années et demie, je souhaite toujours que les gens retrouvent foi et enthousiasme pour notre projet. Qu’ils soient animés de la conviction qu’il faut rendre notre espace commun plus sûr, plus équitable, plus juste et plus égalitaire. La conviction qu’ensemble, nous sommes meilleurs et que nous sommes plus forts. Que notre Europe, c’est une Europe pour tous.

Notre Europe a le devoir de se souvenir, de tirer les leçons des luttes du passé et de rendre hommage à toutes celles et ceux qui se sont battus pour les idéaux qui nous semblent parfois aller de soi. À tous les déplacés et les disparus, à ces femmes et à ces hommes qui se sont dressés devant les chars et sous les balles des régimes totalitaires qui ont si longtemps exercé leur domination sur une grande partie de l’Europe. À toutes celles et ceux qui croyaient à un avenir meilleur et qui ont osé rêver. Il faut que nous puissions nous dire que notre Europe aurait rendu fiers Adenauer, Mitterrand, Wałęsa, Fenech Adami, Havel, Veil, Falcone et Borsellino.

Notre Europe doit être une Europe qui les honore, qui honore notre histoire commune. Et il n’y a pas de meilleur endroit qu’ici à Strasbourg, au siège du Parlement européen, dans ce symbole vivant de la réconciliation, pour se souvenir du passé et construire l’avenir.

Il faut que notre Europe devienne accessible à tous, et que chacun ait non seulement le sentiment d’en faire partie, mais s’y sente impliqué. La polarisation à l’œuvre dans nos sociétés a durci la vie politique en y installant l’affrontement, et même la violence. Les réponses faciles qu’elle produit clivent nos collectivités en prônant le «nous contre eux». Il nous faut dépasser cette logique de la somme nulle, où les uns gagnent ce que les autres perdent, parce qu’elle exclut et qu’elle est un repoussoir. Parce qu’elle suscite la colère et la haine et qu’elle étouffe l’espoir et la confiance. Force est de constater que cette politique de la facilité, qu’il est si commode de mener, est incapable d’apporter de véritables solutions.

Et cette Assemblée représente tout le contraire. Ce qu’elle veut, c’est bâtir, et non détruire. Elle ne craint pas d’emprunter les chemins difficiles. Elle est capable de se mettre d’accord et de parler haut et fort pour le bien commun. Rempart contre l’autocratie, elle redouble de vigilance pour défendre l’état de droit et elle comprend qu’il faut réaliser dans les faits l’égalité pour tous en Europe. Une égalité qui n’a pas vocation à nous rendre tous pareils, mais qui donne à chaque personne les mêmes chances de s’accomplir pleinement. Une égalité des chances soucieuse de nos différences. Consciente que nos langues différentes, nos cultures différentes, nos récits différents, qui font de nous des Européens, sont justement notre force.

Et c’est grâce à cette force que nous pourrons faire en sorte que les lois que nous adoptons dans cette enceinte soient bonnes pour les habitants de chaque village, de chaque ville et de chaque île de notre Union. Nous devons être l’organe qui veille à ce que toutes les mesures que nous prenons soient efficaces et qu’elles soient utiles pour les jeunes, comme pour les familles, les agriculteurs ou l’industrie.

Il est de notre responsabilité commune de laisser à ceux qui viendront après nous une Europe meilleure que nous l’avions trouvée nous-mêmes. Cette Europe, nous la rendrons meilleure en la dotant d’un nouvel appareil de sécurité et de défense qui assurera la sécurité de ses habitants et qui les protégera contre les rêves expansionnistes des dictateurs de notre voisinage. Qui écartera les menaces hybrides auxquelles nous devons faire face. Qui protégera l’Europe. Qui défendra notre autonomie stratégique. Qui préservera la paix. Qui saisira la réalité des périls qui pèsent sur nous.

L’Europe, nous la rendrons meilleure en mettant tout en œuvre pour sa compétitivité: il nous faut approfondir le marché unique, garantir des emplois de qualité, conclure des accords commerciaux à l’échelle mondiale, achever notre union bancaire et notre union des marchés des capitaux et fixer des objectifs réalisables à nos industries. Assurer le maintien des entreprises européennes en Europe et nous donner les moyens d’investir dans nos jeunes, dans la recherche, l’enseignement, la culture, dans nos collectivités et dans le reste du monde. Grâce à la simplification et à la réduction des charges administratives et des formalités superflues qui éloignent de l’Europe nos forces vives et nos emplois. Les réalisations dont nos concitoyens se souviennent le mieux sont celles grâce auxquelles l’Europe a simplifié leur vie.

Nous laisserons après nous une Europe meilleure en apportant de véritables solutions aux questions climatiques. L’Europe a un bilan qui l’honore et je suis persuadée que nous pouvons rester un leader mondial et trouver les moyens de réaliser nos objectifs sans laisser personne sur le bord du chemin, en alliant le développement durable et la protection de notre environnement et de notre patrimoine naturel. Car les deux sont à notre portée.

Nous laisserons après nous une Europe meilleure si nous nous montrons capables d’en renforcer le pilier social. Si nous donnons aux gens espoir et dignité. Si les retraites et les salaires répondent aux attentes de la société. Mais nous n’avancerons pas si nos jeunes n’ont pas les moyens de louer – encore moins d’acheter – un logement, de prétendre à un véritable chez-soi. L’Europe vit sous la menace d’une crise du logement et nous devons nous doter des instruments pour y répondre aussi à l’échelon européen.

Nous laisserons après nous une Europe meilleure si nous réussissons enfin à mettre en place une législation efficace en matière de migration et d’asile, qui suppose une gestion des frontières assortie d’une politique des retours, et qui, surtout, place l’humain au centre. Une législation grâce à laquelle plus aucune mère ne sera contrainte de faire monter son enfant dans une embarcation de fortune et de confier son destin à des réseaux de passeurs criminels. Et qui fasse que l’Europe soit la digne héritière de son histoire.

Nous laisserons après nous une Europe meilleure si nous réussissons à tirer parti des possibilités offertes par l’ère du numérique et par l’intelligence artificielle. Nous devons être à la pointe pour pouvoir en tirer les bénéfices, tout en parant aux conséquences de la désinformation. Aujourd’hui, toutes les connaissances du monde sont à la portée de chacun, et pourtant le sentiment d’isolement n’a jamais été aussi fort. Cela montre très clairement que l’Europe doit aussi faire communauté.

Par contre, nous ne laisserons pas après nous une Europe meilleure si, sur tout le territoire de l’Europe, on ne peut pas être qui l’on veut être ni aimer qui l’on veut aimer. Si nous ne levons pas dans notre Union toutes les barrières qui empêchent les personnes handicapées d’avoir les mêmes chances dans la vie que toute autre personne. Si nous ne nous donnons pas les moyens de lutter contre les discriminations et d’enrayer la montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie. Si la haine et la violence continuent d’être trop souvent le ressort de nos discours politiques. Nous devons faire prévaloir une Europe où chacune et chacun se sentira chez soi. Où les jeunes filles comme était Coco en Irlande seront protégées de leurs persécuteurs.

Nous ne laisserons pas après nous une Europe meilleure tant que de trop nombreuses femmes s’en sentiront exclues. Car trop de femmes sont encore violées, battues, assassinées dans notre Europe. Trop de femmes luttent encore pour faire valoir leurs droits. Trop de femmes gagnent moins que les hommes pour le même travail. Trop de femmes, encore, vivent dans la peur. Notre Europe doit devenir la leur à elles aussi. 

Nous avons le pouvoir de construire l’Europe qu’avaient rêvée Simone Veil et Nicole Fontaine. L’Europe dont Marie-Skłodowska-Curie n’a pas pu tirer tout le fruit. L’Europe que ne verront jamais Giulia, Pelin, Ana Vanessa, Daphne et tant d’autres femmes. C’est pour elles que nous devons agir, pour toutes celles qui ne peuvent pas parler et pour toutes celles qui viendront après.

Je sais qu’ensemble, nous laisserons l’Europe meilleure que nous l’avions trouvée. Je sais que quand le monde entier pense à notre Parlement, il voit une Assemblée qui défend les droits, protège les journalistes et est éprise de liberté, et qui sait qu’elle représente dans le monde un phare de la démocratie.

Il y a soixante-dix ans, Alcide de Gasperi disait: «Le désir d’unité est une constante historique. Nous devons parler fort, écrire et insister; nous ne pouvons nous autoriser aucune minute de repos et faisons en sorte que l’Europe demeure notre premier souci.» Ses propos, j’ai tenu à les reprendre devant vous aujourd’hui, car nous devons les garder présents à l’esprit tout au long de la nouvelle législature.

Chers amis, l’expérience nous a enseigné que la démocratie ne doit pas être tenue pour acquise. Nous l’avons constaté: nos valeurs européennes représentent pour beaucoup une menace. Cette étiquette d’épouvantail, que nous ont attribuée les autocrates, nous continuerons de la porter avec orgueil.

La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et sa souveraineté reste l’une de nos grandes priorités. Lorsque la guerre a éclaté, je me suis rendue à Kiev en votre nom. Cette visite a donné un nouveau souffle à notre Assemblée et lui a conféré une visibilité et une influence nouvelles. Par ce coup de projecteur, notre Parlement a contribué à attirer à l’attention des responsables politiques sur la nécessité de se porter aux côtés de l’Ukraine — et ce rôle de phare, nos concitoyens comptent sur nous pour continuer à le jouer au maximum.

Mais nous serons appelés à relever d’autres défis. Soyons donc prêts à nous dépasser et à faire le nécessaire. Nous le ferons parce que le devoir de l’Europe est de défendre la liberté, la paix: une paix véritable, ancrée dans la justice, la dignité et la liberté. Car en Europe, nous savons comment combler les fractures qui paraissent irréductibles.

C’est cette même logique qui doit dicter notre action face au conflit du Proche-Orient, où même dans le tumulte de la guerre, nous devons porter la voix de l’humanité et peser pour mettre fin à la perpétuation, de génération en génération, du cycle de la violence et faire prévaloir une solution fondée sur la coexistence de deux États et une paix durable et obtenir la libération des otages encore détenus.

Cette logique doit aussi nous éclairer alors que cela fait cinquante ans que Chypre est coupée en deux par une ligne de démarcation artificielle. Notre génération doit trouver les moyens de sortir de l’ornière sous l’égide de l’ONU. Nous devons réussir à tourner une bonne fois pour toutes cette page sombre de l’histoire européenne grâce à un règlement viable placé dans le droit fil des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et dans le respect de nos valeurs européennes.

C’est parce que nous défendons notre humanité commune que nous sommes aux côtés des femmes exposées aux plus grands périls en Afghanistan, aux côtés de ces filles et de ces étudiants qui manifestent en Iran; aux côtés de Sviatlana Tsikhanouskaïa, de celles et ceux qui sont injustement emprisonnés et du mouvement qui se mobilise pour une Biélorussie libre et démocratique; aux côtés des filles yézidies qui continuent de mener une lutte courageuse; aux côtés de Ioulia Navalnaïa qui garde la tête haute dans l’adversité; aux côtés de toutes celles et ceux qui, dans le monde entier, bravent les gaz lacrymogènes en brandissant notre drapeau européen.

C’est tout cela que l’Europe représente dans le monde et ce que le monde voit dans notre Parlement. Un Parlement que nous servons avec fierté. Cette diplomatie parlementaire sera essentielle pour nous permettre de défendre le multilatéralisme et de préparer l’élargissement de notre Union européenne. Aux Ukrainiens, aux Moldaves et aux Géorgiens qui ont le regard tourné vers nous, à tous ceux qui, dans les Balkans occidentaux, piétinent à notre porte depuis bien trop longtemps, nous devons être prêts à tendre la main de l’Europe pour que chacun d’eux puisse, à son rythme, poursuivre sa trajectoire, suivant une approche fondée sur le mérite et dans le respect des critères fixés. Nous devons être prêts à regarder en face ce monde nouveau, cette réalité nouvelle. Prêts, nous le serons, tous ensemble.

Chers collègues, dans la réaffirmation de notre attachement à l’Europe — et pour paraphraser Karol Wojtyła, ce grand saint Européen de Cracovie — je vous en conjure: «n’ayons pas peur»! N’ayons pas peur de tenir tête aux autocrates. D’être fidèles à notre promesse. De défendre l’Europe. N’ayons pas peur enfin de bâtir une Union qui œuvre pour le bien de nous toutes et tous.

En 2016, Jonathan Sacks a écrit: «Une politique d’espoir est à notre portée. Mais pour la mener à bien, nous devrons trouver les moyens de renforcer nos familles et nos communautés, de constituer une culture de la responsabilité collective et de mettre en avant une économie du bien commun. Il n’est plus temps de faire de la politique politicienne. Ce qui est en jeu ici, ce n’est ni plus ni moins que la pérennité de la liberté qu’une lutte patiente et acharnée avait fait triompher en Occident. Nous devons construire un récit d’espoir mobilisateur dans lequel chacune et chacun d’entre nous se reconnaîtra. Et nous devons nous y atteler dès aujourd’hui.»

Chers amis, nous pouvons renouer avec le récit de notre grande Union. Nous pouvons être une source d’inspiration pour les nouvelles générations d’Européennes et d’Européens. Car l’Europe, c’est l’espoir. L’Europe, c’est la conviction. L’Europe, c’est nous tous. L’Europe, c’est encore et toujours la réponse.

Vive l’Europe!
 

You may find here the transcriptions of her speech per language: