L'Europe est une destinée commune - La Présidente Metsola s'adresse à l'Oireachtas 

 

Pour marquer le 50ème anniversaire de l'adhésion de l'Irlande à l'UE, la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, s'est rendue à Dublin et s'est adressée à une session conjointe de l'Oireachtas. Dans son discours, elle a évoqué le long chemin déjà parcouru tout en soulignant qu'il restait encore du chemin à parcourir.


© Union européenne | La Présidente du Parlement européen
prononce un discours devant l’Oireachtas à Dublin (Irlande)

Monsieur le Président,
Monsieur le Taoiseach,
Monsieur le Tánaiste,
Mesdames et Messieurs les parlementaires de l’Oireachtas,

Mesdames et Messieurs,

Merci de m’avoir invitée parmi vous aujourd’hui. C’est un honneur pour moi que de me trouver ici, dans cette belle cité de Dublin, et que d’y représenter le Parlement européen pour le 50e anniversaire de l’adhésion de l’Irlande à ce qui était alors la Communauté économique européenne.

Pendant ces cinq décennies passées ensemble, nous avons parcouru un long chemin, de l’accession au marché unique à l’adoption de l’euro, des négociations de paix à la signature du protocole sur l’Irlande du Nord. Nous avons facilité les échanges, les voyages et les études à l’étranger, nous avons travaillé à garantir la justice sociale, le respect de l’état de droit et les valeurs et droits fondamentaux afin que nos citoyens vivent dans la dignité et la sécurité.

Ces idéaux européens sont les valeurs irlandaises. L’Union européenne n’est pas une lointaine entité qui décide à votre place: l’Union européenne, c’est vous. L’Irlande est l’Europe, l’Europe est l’Irlande. Aucune décision n’est prise sans vous.

Dublin, Cork, Galway: ces villes forment le cœur de l’Europe. Lorsque dix personnes ont perdu la vie à Creeslough, nous les avons pleurées avec vous. Lorsque des journalistes tels que Veronica Guerin sont assassinés à cause de leur travail d’investigation, nous partageons votre indignation et votre soif de justice. Aussitôt après le Brexit, alors que l’Irlande traversait une période d’incertitude, votre position était la nôtre. Nous avons traversé toutes ces épreuves ensemble et nous resterons ensemble.

Il y a 50 ans, m’a-t-on dit, en Irlande, les femmes mariées n’avaient pas le droit d’intégrer la fonction publique. Il aurait alors été inconcevable qu’une femme, qui plus est une femme née sur une île située en pleine mer Méditerranée, se tienne aujourd’hui devant vous. Voilà ce que l’Europe peut faire. Voilà quelles transformations elle peut apporter, comment elle peut remplir sa mission de nous mettre tous sur un pied d’égalité.

Nous avons parcouru un long chemin, mais la route ne s’arrête pas là.

L’Europe, ce ne sont pas seulement des fonds pour les agriculteurs irlandais, ce ne sont pas seulement la cohésion, la transition numérique, la relance, les infrastructures, les routes ou les technologies propres. L’Europe repose sur un principe fondamental: ce que nous accomplissons ensemble profite à tous. L’Europe, c’est une destinée commune, un avenir commun.

Si nos langues, nos histoires, nos cultures, nos traditions, nos croyances et nos talents diffèrent, nous partageons des valeurs fondatrices. «Unie dans la diversité», en voilà toute la beauté.

John Hume, célèbre Irlandais et grand europhile, affirmait que «la différence constitue l’essence de l’humanité. La différence ne devrait donc jamais être une source de haine ou de conflit. Voilà l’un des principes fondamentaux de la paix: le respect de la diversité.»  

L’Union européenne n’est pas un bloc homogène, pas plus qu’elle n’aspire à l’uniformisation. Au contraire, elle a pour mission d’offrir à tous les mêmes chances, d’assurer un nivellement par le haut, d’enrayer l’engrenage des difficultés qui se reproduisent d’une génération à l’autre. De construire une paix effective.

Ce beau pays qu’est l’Irlande est l’un de ceux qui a le mieux pris la mesure de ce message crucial.  

Il y a maintenant 343 jours, la Russie a envahi l’Ukraine, pays souverain et indépendant, de façon brutale et illégale. Depuis 343 jours, le courage du peuple ukrainien nous rappelle que la justice et le progrès ne sont jamais acquis. La démocratie n’est jamais acquise. L’Europe n’est jamais acquise.

En aidant plus de 70 000 déplacés ukrainiens, le peuple irlandais montre sa solidarité indéfectible face à la destruction, à la dévastation et à la mort.

De longue date, les Irlandais ont fait preuve d’empathie, pris soin des autres et défendu leurs valeurs.

Je vous remercie de montrer cet exemple au monde. Maith sibh.  

L’Europe dans laquelle nous voulons vivre pendant les 50 prochaines années est une Europe où règnent le souci de l’autre, la paix effective et la justice.

Pour cette raison, nous resterons aux côtés de l’Ukraine en 2023 et aussi longtemps qu’il le faudra.

Le soutien de l’Union européenne à l’Ukraine se poursuivra sous diverses formes: une aide financière et humanitaire, un soutien militaire, ainsi que des actions de solidarité d’ordre pratique.

Je souhaite d’ailleurs remercier les Irlandais qui, dans tout le pays, apportent un soutien sans faille à la campagne «Générateurs de l’espoir» menée par le Parlement européen. Grâce à votre aide, des générateurs électriques sont envoyés en Ukraine, où ils font fonctionner des infrastructures essentielles telles que les hôpitaux, les écoles ou les abris.

Votre pays se soucie des autres. Vous avez montré, à de multiples reprises, que l’empathie fait la force.

Barack Obama, ancien président des États-Unis, l’a très justement formulé: «Au cours de l’histoire, votre peuple a maintes fois subi les pires épreuves et les douleurs les plus atroces,  mais il les a endurées et bravées fièrement. Votre histoire est celle d’une nation qui, par les temps les plus sombres, a préservé la flamme du savoir, surmonté l’occupation, survécu lorsque la terre refusait de la nourrir; une nation qui a vaincu les Troubles. Votre histoire est celle d’un peuple résilient qui s’est battu contre vents et marées.»

Il avait raison. Le récit historique irlandais est fait d’obstacles surmontés, de luttes, de sacrifices et de hardiesses dont la nation est ressortie grandie; autant de leçons sur lesquelles l’Europe doit prendre exemple en vue de l’année à venir.

En effet, ne vous y trompez pas, nous vivons une période aux multiples crises, toutes imbriquées. Une période de guerre, de pénuries d’énergie et de prix records de l’électricité, une période de hausse du coût de la vie où l’inflation fait s’effondrer la valeur des actifs, où les taux d’intérêt se répercutent sur la dette publique et sur le marché du logement, où les matières premières viennent à manquer et où une pénurie alimentaire mondiale peut survenir du jour au lendemain.

Autant de difficultés qui viennent s’ajouter à un contexte incertain: la reprise qui succède à la pandémie, l’urgence climatique, les pressions économiques grandissantes qui nous viennent de l’Est comme de l’Ouest et pèsent sur notre compétitivité.

Concrètement, cela veut dire que des familles ont du mal à joindre les deux bouts. Que la pression sociale s’accroît et que certains parents, en Europe, doivent choisir entre nourrir leurs enfants et chauffer leur logement. Que le sans-abrisme et le désespoir gagnent du terrain.

Les obstacles ne seront pas faciles à surmonter mais, le moment venu, nous saurons y faire face.

Aucun État ne peut se permettre de faire cavalier seul. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons renouer avec la croissance économique et apporter des réponses aux questions que nous posent nos électeurs.

La mission du Parlement européen est justement de créer le cadre réglementaire grâce auquel nous pourrons affronter ces difficultés, montrer que nous sommes capables de sauver des emplois, de créer de nouveaux marchés de niche et de nous moderniser tout en luttant contre le changement climatique. Voilà à quoi servent les fonds alloués à l’instrument européen de relance.

Si nous voulons que nos industries et nos entreprises soient compétitives, nous devons les aider. Nous pouvons résister à la tentation d’un protectionnisme excessif, mais pas sans égalité des conditions de concurrence, sans prévisibilité ni sans confiance.
 
C’est à ces conditions seulement que nous réussirons à attirer en Europe investissements et industries. Nous avons beaucoup à apprendre, en la matière, de la solide reprise macro-économique qu’a connue l’Irlande et de la façon dont votre pays a traversé le Brexit.

L’Irlande, de ce fait, jouera un rôle de premier plan face aux défis qui s’annoncent, un rôle d’autant plus crucial que le Royaume-Uni ne compte plus parmi nos États membres. L’Union européenne déplore cette perte mais respecte la décision prise démocratiquement par la majorité des Britanniques.

Sachez que la solidarité de l’Union européenne à l’égard de l’Irlande reste intacte et que les relations entre l’Union et le Royaume-Uni reposeront sur la courtoisie et le respect de l’état de droit.
Nous resterons à vos côtés, soyez-en assurés.

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Depuis 50 ans, l’Irlande reste un membre actif et un fervent défenseur d’une Union européenne fondée sur les valeurs d’égalité, de justice et de souci de l’autre, valeurs pour lesquelles elle se bat.

Au lendemain de la Saint-Brigid, il ne fait aucun doute que ce pays se préoccupe de ses citoyens et que les soins de santé doivent être accessibles à tous. Pendant la pandémie, l’Union européenne a pris les choses en main et a franchi une nouvelle étape dans le domaine de la santé. Nous avons, grâce à notre détermination, obtenu des vaccins et des respirateurs pour tous, dans tous les États membres. Il nous faut désormais aller plus loin et créer une véritable union de la santé. Nous honorerons ainsi au mieux l’héroïsme, trop peu reconnu, dont ont fait preuve les travailleurs de première ligne et les aidants, en Irlande et dans toute l’Europe.

La justice sociale est une priorité pour les députés irlandais au Parlement européen. Ils font d’ailleurs office de figures phares, en Europe, sur de nombreuses questions: la santé mentale, l’environnement, l’agriculture, l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre la violence familiale et les féminicides, et bien d’autres encore. L’Irlande montre la voie.

Le Parlement européen, je le reconnais, vient de traverser quelques semaines un peu houleuses, mais je n’ai aucun doute quant à notre capacité à réformer notre fonctionnement afin que les citoyens nous accordent à nouveau leur confiance. J’aurais, bien sûr, préféré que le Parlement se fasse remarquer par l’incroyable travail qu’effectuent quotidiennement nos députés: les accords conclus en matière de climat, d’énergie, de migrations et d’asile, les financements et le soutien apportés à l’Ukraine, ou encore le travail accompli pour protéger l’état de droit et pour consolider notre approche fondée sur les valeurs.

L’Europe, pour reprendre l’expression employée par Monsieur le Taoiseach il y a quelques semaines, est une superpuissance porteuse de valeurs. Ne l’oublions pas. Il est essentiel de rappeler au grand public quel est le sens de l’Union européenne et d’aider la population à ressentir à nouveau l’espoir et l’optimisme qui font le projet européen.

L’an prochain, les citoyens irlandais seront appelés à élire leurs députés au Parlement européen. Je leur adresse, en particulier aux plus jeunes, le message suivant: choisissez, votez. Votre vote compte plus que vous ne l’imaginez. Votre voix compte plus que vous ne le pensez.

L’Europe n’est pas parfaite, elle déçoit parfois. Je partage ce sentiment. Il nous faut être aussi honnêtes à propos de nos échecs qu’à propos de nos réussites. Cependant, en agissant ensemble, nous pouvons changer beaucoup de choses. Nous sommes d’ailleurs déterminés à prendre les mesures qui s’imposent.
Joignez-vous à ce mouvement, ne cédez pas au confort du cynisme facile comme le font ceux qui prétendent que rien ne change jamais.

Ces personnes ont tort. Les cinquante années écoulées le prouvent.

Pendant les cinquante prochaines années, je n’en doute pas, la présence de l’Irlande dans l’Union européenne et de l’Union européenne en Irlande sera extrêmement fructueuse.

Parce que l’Irlande est l’Europe et que l’Europe est l’Irlande.