Metsola appelle à une réponse énergique à la crise énergétique, à l'inflation et à la guerre en Ukraine 

 

"Nous avons besoin d'une révision du budget à long terme de l'UE pour nous adapter à la crise et financer de nouvelles priorités", a déclaré la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, lors du Conseil européen.

Chers collègues, 

Une fois de plus, nous nous réunissons ici et les citoyens européens, dont nous sommes les représentants, attendent de nous que nous prenions des décisions et montrions la voie à suivre. 

Ils sont inquiets. L’agression russe s’est répercutée sur notre mode de vie, que nous avions longtemps tenu pour acquis. Il s’ensuit que nos concitoyens ressentent une baisse de stabilité et de sécurité, et sont moins optimistes quant à l’avenir. 

Ils attendent de nous que nous donnions un cap, que nous définissions un plan de sortie de crise qui rendra à bon nombre de gens leur tranquillité d’esprit. Nous devons répondre de manière ferme, unie et proportionnée. Il est grand temps que les petits pas laissent place aux bonds de géant. C’est le seul chemin possible, que ce soit face à l’explosion des prix de l’électricité, à la diminution des livraisons de gaz, à la hausse de l’inflation (qui n’a pas encore atteint son sommet) ou à l’invasion illicite, injustifiée et brutale de l’Ukraine, pays souverain, par la Russie.

Si la pandémie a mis au jour notre vulnérabilité en matière de santé, l’invasion russe a mis au jour notre vulnérabilité en matière de sécurité et de défense. Les faiblesses de notre politique énergétique deviennent flagrantes et certains en profitent. Notre population vieillit et les chaînes d’approvisionnement mondiales sont sous pression.

Nous devons faire preuve d’une réelle unité: on ne peut se satisfaire du plus petit dénominateur commun. Nous devons agir plus vite et aller plus loin. 

Cela vaut pour l’énergie: même si notre situation est meilleure qu’il y a quelques mois, nous ne sommes toujours pas à l’abri d’une pénurie relative de gaz, dans un contexte de faible élasticité de la demande et d’instrumentalisation du gaz par la Russie. Les marchés ont paniqué en voyant que l’Europe ne reçoit pas assez de livraisons, possède des stocks insuffisants et se retrouve très exposée, et les prix ont commencé à fluctuer fortement. 

Ce sont des lacunes que nous devons corriger. Si nous voulons être plus résilients à l’avenir, il faudra des mesures communes, de la solidarité dans l’approvisionnement en gaz et un marché unique de l’énergie qui soit crédible. 

La Commission a présenté un certain nombre de propositions urgentes: taxation des bénéfices exceptionnels, réduction de la demande en gaz et instauration d’un nouveau tarif de référence pour le GNL. Le Parlement européen a accueilli favorablement ces mesures; cependant, on peut avoir l’impression que cela risque de ne pas suffire pour nos entreprises européennes, qui font désormais face à des coûts insoutenables, et pour les familles qui ne parviennent plus à payer leurs factures. 

Il faut penser à plus long terme. Nous devons adopter une vision crédible du marché de l’énergie de demain, avec un mécanisme de passation conjointe de marchés publics pour le gaz. Ce n’est qu’ainsi que nous trouverons des solutions communes, sans nous faire concurrence dans les moments cruciaux. Nous devons réexaminer la possibilité de découpler temporairement les prix du gaz et de l’électricité, à titre de mesure exceptionnelle.

Les temps changent et il faut modifier notre manière d’agir. Nous devons être prêts. Ce n’est pas facile: chacun de nous doit composer avec sa situation nationale et les tensions qu’elle engendre, mais il n’est pas question de faire cavalier seul. Les enjeux sont trop importants. Nous devons coopérer dans un véritable esprit de solidarité. Le nouveau corridor énergétique vert annoncé aujourd’hui, qui reliera le Portugal, l’Espagne et la France, constitue un bon exemple de solution commune.

Le Parlement se tient prêt à jouer son rôle avec rapidité, comme il l’a fait dans le dossier du stockage de gaz cette année, et comme il le fera pour REPowerEU. Nous mesurons l’ampleur de la tâche et nous sommes prêts. S’il faut procéder à une révision à long terme de notre marché de l’énergie, le Parlement est prêt à se mettre au travail et à obtenir des résultats. 

Le Parlement européen est un partenaire et un allié. Nous partageons les mêmes objectifs, nous sommes au service des mêmes citoyens. Les députés au Parlement européen peuvent diffuser ce message dans leur pays d’origine. Ils peuvent expliquer à la population l’action que nous menons et pourquoi cette action s’impose. C’est essentiel si nous voulons préserver notre unité et lutter contre la propagande et la désinformation russes, qui cherchent à nous déstabiliser et à semer la discorde entre nous.

Nous entendons les inquiétudes des familles et des entreprises. Y répondre en adoptant rapidement des solutions urgentes ne signifie nullement que nous contournons les procédures législatives normales. Le Parlement européen confère une légitimité démocratique européenne aux propositions qu’il adopte. C’est la raison pour laquelle il doit être pleinement associé aux nouvelles propositions mises sur la table. Les citoyens y sont attachés. 

Nous pouvons maîtriser la hausse des factures sans pour autant renoncer à nos objectifs climatiques à long terme, mais ce ne sera possible qu’en agissant ensemble. 

L’envolée des prix de l’énergie alimente inévitablement l’inflation et réduit le revenu disponible des ménages et des entreprises. Les banques et la finance seront les prochains secteurs sous pression, et la hausse des taux de crédit va se répercuter sur le marché immobilier. Une inflation supérieure à 10 % et la montée rapide des taux d’intérêt causent un raz-de-marée qui fait s’effondrer la valeur des biens immobiliers, des salaires et des budgets nationaux.

Après la pandémie, notre économie a su se relever grâce à notre cadre de gouvernance économique et à l’instrument NextGenerationEU. Il nous faut à présent mettre en place les conditions propices à l’investissement privé, afin que l’économie de l’Union retrouve le chemin de la croissance stable. 

Cependant, ces mesures ne sont pas gratuites. Au cours de la pandémie, nous avons accumulé une dette qu’il faudra rembourser à l’aide de nos ressources propres; or, nous savons que celles-ci sont insuffisantes. Puisque nous avons contracté des dettes et creusé le déficit, il est indispensable que nos économies retrouvent la croissance. Il n’y a pas d’autre solution. Pour en revenir à l’énergie, nous devons faire baisser les prix, afin de faciliter le retour à une croissance économique solide partout. Ainsi, nous pourrons atténuer les conséquences socio-économiques des crises que nous traversons et nous occuper en priorité des personnes les plus vulnérables. 

Notre économie a besoin de ce coup d’accélérateur. C’est une question de prospérité, mais aussi de sécurité.

Cela signifie aussi qu’il faudra revoir le budget de l’Union. Le nouveau cadre financier pluriannuel fait déjà face à de nombreuses difficultés. Il n’est pas assez souple et manque de ressources permettant de réagir aux crises et de financer de nouvelles priorités. Il faut le réviser pour l’adapter à la situation actuelle. Il ne suffira pas de solutions hors budget ou d’un simple réexamen si l’on veut apporter à la population les réponses qu’elle attend de nous. 

Je sais que certains sont réticents à rouvrir ce dossier. Je suis consciente des réalités politiques, mais le cadre financier pluriannuel doit être à l’épreuve de l’avenir et souple dès sa conception. Là où cela s’impose, il faut relever les plafonds pour tenir compte des besoins émergents et des nouvelles priorités.

Nous essayons à présent de trouver l’argent nécessaire pour apporter une aide humanitaire à l’Ukraine, faire face à la crise alimentaire mondiale et aux catastrophes naturelles, et financer nos ambitions politiques en matière d’énergie, de défense et d’autonomie stratégique, sans compter les centaines de milliards qui seront nécessaires pour reconstruire l’Ukraine.

En outre, au lieu d’affecter à ces priorités les maigres ressources que le budget de l’Union prévoit, nous sommes contraints d’utiliser ces dernières pour rembourser la dette contractée pour NextGenerationEU. En effet, nous n’avons pas trouvé d’accord sur de nouvelles ressources propres et la hausse des taux d’intérêt nous oblige à dépenser bien plus d’argent que prévu, à savoir 450 millions d’euros supplémentaires en 2023. Cela devient de plus en plus difficile à justifier.

Le remboursement de la dette n’est pas laissé à notre bon vouloir: il est impératif. Si les taux d’intérêt restent élevés, le remboursement de la dette contractée pour NextGenerationEU engloutira toute la capacité budgétaire de réaction aux crises, puis entamera les fonds alloués aux différents programmes de l’Union. 

Or, nous n’arriverons à rien si nous n’intensifions pas notre aide à l’Ukraine. Toutes nos difficultés sont liées entre elles. Ce sont différents aspects d’un même problème, dont l’origine se trouve dans l’agression russe et la pensée expansionniste, ressurgie d’un passé où elle aurait dû rester. 

La vague de frappes aveugles qui visent les villes et les infrastructures civiles dans toute l’Ukraine est abominable. Il faut y répondre par des mesures fermes, en particulier: 

-    en durcissant les sanctions; 
-    en renforçant notre soutien militaire, et notamment en fournissant des systèmes de défense aérienne, des chars et des armes lourdes; et
-    en redoublant d’efforts pour sanctionner les crimes de guerre commis en Ukraine.

Cela revêt une grande importance pour parvenir à la paix – ce à quoi nous devons nous employer – mais il doit s’agir d’une paix réelle, acceptable et durable. Parmi les différents pays que vous dirigez, il n’y en a que trop qui savent ce que c’est que l’occupation, pour l’avoir subie directement. Nous devons tirer les leçons de l’histoire douloureuse de l’Europe et comprendre à qui nous avons affaire. Notre objectif est la paix. La véritable paix doit s’accompagner de la justice. Il faut qu’un tribunal examine les crimes de guerre, juge les responsables et s’occupe de la restitution. 

Nous devons être prêts à aller plus loin. Je sais que les sanctions ne font pas l’unanimité, mais elles sont nécessaires, elles fonctionnent et il faut encore les durcir, en ciblant notamment le président biélorusse Loukachenko. 
 
L’avenir de l’Europe dépendra de sa capacité à s’adapter de manière rapide, courageuse et unie. En effet, il faut bien comprendre que tout signe de divergence sera exploité et utilisé contre nous. 

L’invasion brutale, illicite et injustifiée de l’Ukraine par la Russie a montré au grand jour que nous devions nous adapter et faire de la défense et de la sécurité des priorités constantes si l’on veut contrecarrer les attaques hybrides. Lorsque la Russie accentuera la pression en hiver, ce qu’elle ne manquera pas de faire, il faudra que nous voyions l’Europe comme une communauté comprenant également 43 millions de personnes supplémentaires qui comptent sur nous. Nous devons être prêts.
 
Le fait est que notre défense dépend de l’Ukraine et de l’aide que nous lui apportons, à savoir les systèmes de défense aérienne, les chars ainsi que le soutien financier et politique.

Enfin, je tiens à évoquer la Moldavie, pays européen le plus pauvre, qui subit de plein fouet les conséquences de la guerre menée par la Russie en Ukraine, que ce soit sur le plan économique, humanitaire, énergétique ou même politique. La Moldavie a besoin que nous nous intéressions à elle et que nous l’aidions concrètement. 

Je sais que vous avez consenti de nombreux sacrifices, aussi bien politiques et financiers que militaires. Je sais qu’il ne sera pas facile de demander d’aller plus loin et plus vite, mais la facilité n’a jamais guidé notre action. Il est nécessaire d’agir. La situation est critique et il nous appartient d’y faire face. Je suis convaincue que nous saurons le faire ensemble. 
 

You may find here the transcriptions of her speech per language: