S'adressant aux dirigeants européens lors d'une réunion spéciale du Conseil européen, la Présidente du PE Roberta Metsola a déclaré que la façon dont nous réagirons au cours des prochains mois définira notre avenir commun.
© Union européenne | La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au Conseil européen
Chers collègues,
Ce que nous avons accompli à ce jour est déjà en soi une performance sans précédent; en effet, nous sommes restés soudés et avons su apporter une réponse cohérente, au point même de susciter l’étonnement des plus cyniques.
Jusqu’à présent, l’opinion publique a été de notre côté. Nos concitoyens ont ouvert leur foyer et leur cœur à six millions d’Ukrainiens. Ils ont largement admis qu’il y avait un prix à payer en raison de la guerre et ils ont exigé une réponse forte.
Pour l’heure, j’envisage avec appréhension ce qui se produira lorsque, inévitablement, le vent tournera; lorsque l’«effet CNN» de la guerre, associé à la désinformation et à la mésinformation russes, fera peser sur nous une pression accrue ou que le niveau des prix restera élevé.
Il est indispensable de continuer à faire montre de détermination et de commencer à planifier notre engagement à long terme dans la région, au-delà du caractère immédiat de l’aide d’urgence en faveur de l’Ukraine. L’Europe doit montrer la voie et conserver son rôle de premier plan.
La position du Parlement concernant la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne ne vous aura pas échappé. Pour l’Ukraine, le statut de pays candidat sera porteur d’espoir. Ce statut ouvrira des portes à l’Ukraine: elle pourra participer à différents programmes et disposera de l’espace et du temps nécessaires pour engager des réformes. Pas de solution miracle qui arrive du jour au lendemain; gardons-nous aussi de lui donner cette impression.
Le statut de candidat, une véritable perspective, a cette capacité de transformer les pays; nous en avons fait l’expérience avec de nombreux pays autour de cette table. Et nous l’avons vu avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, pays auxquels, soit dit en passant, nous devons de véritables réponses.
De l’espoir et des perspectives, c’est ce dont l’Ukraine a besoin aujourd’hui ou bien Kiev n’aura d’autre choix que de regarder ailleurs.
Nous nous trouvons à un moment charnière où l’Union doit devenir une véritable puissance mondiale pour la démocratie, en défendant les idéaux des démocraties libérales dans un monde qui ne cesse de gagner en complexité et devient de plus en plus dangereux.
Personne ne prétend que cela sera facile, voire simple, mais cela vaut la peine. En ce qui concerne les sanctions, la Commission n’a pas manqué d’audace, et elle a eu raison; il n’empêche que nous devons aller plus loin. J’espère sincèrement qu’un accord sera dégagé aujourd’hui, car nous ne pouvons nous en dispenser. Notre objectif doit rester de nous libérer de l’énergie russe. Pas question pour nous de céder, mais notre flexibilité a des limites si nous ne voulons pas perdre notre crédibilité vis-à-vis de nos citoyens ni paraître faibles aux yeux de la Russie qui, comme nous le savons, n’a aucun respect pour la faiblesse.
Chers amis, Loukachenko et Poutine sont les deux faces d’une même pièce. Les sanctions infligées à la Russie doivent aller de pair avec des sanctions à l’encontre de la Biélorussie. Sur ce point, nous serions fort avisés de rester fermes. Ceux qui ont tout abandonné pour une Biélorussie démocratique et qui attendent un soutien de notre part nous sollicitent de nouveau aujourd’hui.
La pression sur les chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales due à l’invasion de la Russie est extrêmement préoccupante. L’Europe n’est pas la seule concernée. On ne peut exclure que le monde soit confronté à une véritable famine. Si l’Ukraine n’est pas autorisée à cultiver ses champs, une pénurie d’approvisionnement alimentaire mondiale de plusieurs années s’annonce.
La Russie le sait et se livre à un chantage sur le monde tout en remplissant ses silos avec du blé et d’autres céréales volés en Ukraine. Nous devons trouver d’urgence des solutions pour faire sortir des céréales d’Ukraine afin de les livrer là où les besoins sont les plus importants dans le monde. Nous devons multiplier les «corridors de solidarité», comme l’a annoncé la Commission européenne, et explorer d’autres possibilités afin de faire circuler les céréales.
La guerre en Ukraine a accéléré l’inévitable. Nous devons être à la hauteur afin de garantir notre indépendance énergétique. La communication RePowerEU est une étape importante; elle permettra à l’Union de réduire rapidement sa dépendance à l’égard des importations de gaz, de pétrole et de charbon russes et accélèrera la transition vers une économie verte.
Pour ma part, je considère que cet objectif primordial d’autonomie énergétique est un paramètre déterminant.
Atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés dans le pacte vert est le meilleur moyen de nous affranchir des dépendances toxiques vis-à-vis de partenaires peu fiables.
Pour ce qui est des marchés du gaz et de l’électricité, il est souhaitable que nous agissions au plus vite dans ces deux secteurs dans le but commun de protéger les ménages européens des fortes fluctuations de prix. Nous devrions mettre au point des mécanismes et des plateformes d’achat communs pour le gaz et optimiser notre marché de l’électricité afin de parer à la volatilité future des prix. La conclusion rapide des négociations sur les exigences en matière de stockage du gaz montre que nous pouvons obtenir des résultats, mais il est nécessaire d’aller plus loin.
Il convient de considérer nos investissements dans le domaine de l’énergie et de la transition écologique autant comme un enjeu de sécurité que comme un enjeu environnemental. D’où, en outre, le rôle essentiel de l’«Ajustement à l’objectif 55».
Notre sécurité et notre défense évoluent rapidement en une question existentielle. Nous devons nous doter des outils nécessaires pour nous défendre et nous n’y parviendrons qu’ensemble. L’essentiel est que nous devons concentrer nos efforts sur la coopération et l’interopérabilité et mettre en commun nos ressources de manière plus efficace.
Une réponse de notre part s’impose, une réponse qui repose sur la complémentarité plutôt que sur la concurrence avec l’OTAN.
Des incidences budgétaires sont à prévoir. Il sera indispensable de revoir à la hausse nos budgets défense et de nous pencher sur la question d’une réorientation plus judicieuse des fonds communs en vue de renforcer nos capacités de défense.
Pour conclure, permettez-moi un dernier mot sur la flexibilité économique. Dans l’immédiat, il peut être utile d’autoriser la clause dérogatoire générale de nos règles budgétaires jusqu’à la fin de 2023, compte tenu de la situation après la COVID-19, de la guerre à nos frontières et de notre transition énergétique en cours. Il n’en demeure pas moins qu’il est essentiel d’éviter une dette excessive de nature à entraver le potentiel des générations futures. Parvenir à cet équilibre et assumer cette responsabilité sont des objectifs à prendre très au sérieux.
L’Europe a besoin de notre rôle d’impulsion. Notre avenir commun dépend de la réponse qui sera donnée au cours des prochains mois. Dans ce contexte, le Parlement européen est prêt à s’investir de manière constructive.
Je vous remercie.
You may find here the transcriptions of her speech per language: