Le Président Metsola au Conseil européen : rétablir la confiance, faire avancer l'Union 

 

S'exprimant lors du Conseil européen, la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, s'est exprimée sur la voie à suivre pour l'UE en matière de compétitivité, d'énergie, de lutte contre l'inflation et de soutien à l'Ukraine.

Bruxelles a connu une semaine difficile. Je me dois de vous dire que, d’après les informations reçues des autorités belges, il existe de graves soupçons que des personnes liées à des régimes autocratiques aient usé de trafic d’influence sous une forme qui, nous le craignons, vise à affaiblir nos processus.

Nous avons agi en étroite collaboration avec les autorités belges, auxquelles j’exprime toute ma gratitude. On a voulu nuire à nos processus. Nous sommes parvenus à l’éviter. Les suspects ont été arrêtés, interrogés et mis en examen, comme le prévoit la loi. 

Mais je me dois aussi de vous dire qu’on aura beau renforcer les mesures dissuasives et la transparence – et je veillerai à ce qu’une réforme en profondeur ait lieu –, il y aura toujours des personnes qui se risqueront à accepter une valise pleine de billets. Il faut que ces personnes sachent qu’elles seront arrêtées. Qu’elles en subiront les conséquences. Que nos services fonctionnent et que la loi les punira comme il se doit. 

Que le droit prime. Que c’est ainsi que nous réagissons et que nous rétablissons la confiance. 

Vous le savez, il faut des années pour établir la confiance, mais quelques instants seulement pour la détruire. Et c’est cette question de confiance qui me ramène au débat sur l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace Schengen. 

Quelle tristesse de constater, la semaine dernière, que le Conseil a de nouveau déçu les espoirs de millions d’Européens en décidant une fois de plus de reporter l’adhésion de ces deux pays. 

Hormis la suppression des frontières intérieures, la Roumanie et la Bulgarie sont tenues de mettre en œuvre l’intégralité de l’acquis de Schengen. À l’instar des autres États membres, ces pays doivent assumer l’entière responsabilité de la sécurité et de la stabilité des frontières extérieures de l’espace Schengen, mais sans bénéficier de ses avantages. 

La Bulgarie et la Roumanie ont toutes deux réussi leurs processus d’évaluation de Schengen en 2011. C’était il y a plus de 11 ans.

C’est beaucoup trop long. Nous connaissons pour l’instant une dynamique historique qui nous permet de réparer cette erreur. 

Un jour, Klaus Iohannis avait évoqué les frontières que nous créons dans l’esprit des gens et qui prennent tant de temps à disparaître. Il avait raison. Notre Union peut être fière d’avoir, dans son histoire, fait tomber des murs et réuni des peuples. Nous le referons pour autant que nous prenions des décisions politiques courageuses qui seront la marque de notre génération dans la construction européenne.

Nous pouvons faire la différence face à la situation qui s’aggrave. Nos concitoyens sont confrontés depuis près de 300 jours à la guerre en Ukraine, à la hausse de l’inflation, à l’instabilité des prix de l’énergie, aux difficultés des entreprises et aux factures de plus en plus élevées que les ménages doivent payer. 

Pour sortir de cette impasse socioéconomique, il faut renouer avec la croissance et renforcer la compétitivité de l’Europe ainsi que notre rôle d'acteur mondial. 

C’est notamment le cas dans nos relations transatlantiques. Aux États-Unis, la loi de réduction de l’inflation, tout en s’efforçant de concilier transition énergétique et sécurité énergétique, témoigne d’un protectionnisme larvé. Elle désavantage ouvertement les véhicules électriques produits dans l’Union et complique la coopération transatlantique en ce qui concerne les minerais critiques et la production de batteries.

Je formule l’espoir que nous puissions éviter les différends commerciaux et que cette loi protectionniste américaine serve plutôt de tremplin à la poursuite d’une action décisive des États-Unis et de l’Union européenne en faveur du climat, de la sécurité énergétique et d’une coopération permettant de définir des normes communes. La lutte contre le changement climatique doit être menée ensemble et non au détriment de la base industrielle de l’autre partie.  

L’Union européenne doit s’efforcer d'acquérir un avantage compétitif dans le monde en respectant ses valeurs démocratiques et en poursuivant ses objectifs climatiques. Nous devons continuer d’insister sur le fait que notre façon de faire est la bonne.

La troisième réunion ministérielle du Conseil du commerce et des technologies a donné des signes positifs encourageants. Nous sommes parvenus à débloquer la situation. Il faut que les dispositions discriminatoires soient éliminées dans toute la mesure du possible. 

C’est notamment le cas pour les véhicules électriques. Il ne faut pas nous arrêter en si bon chemin. C’est la mission confiée à la task-force de haut niveau consacrée à la loi de réduction de l’inflation. Nous disposons de peu de temps. 

Nous ne demandons rien d’autre que d’être traités avec justice. L’Union européenne subventionne elle aussi les constructeurs de véhicules électriques, mais sans discrimination. Nous attendons que les États-Unis fassent de même.

L’Union européenne doit éviter de se précipiter pour savoir qui gagnera la course au protectionnisme. 

Nous devons renforcer l’investissement public en Europe afin de favoriser des solutions européennes qui fonctionnent à moyen terme. Mais, pour cela, il faut que les règles soient les mêmes pour tous au sein du marché unique et dans le monde. Le pacte vert doit être notre stratégie de croissance. 

Celle-ci passera notamment par une réforme de notre marché de l’énergie. Il faut qu'elle soit prête pour l’avenir. Et nous ne pouvons le faire qu'ensemble. Elle ne peut pas échouer, sans quoi les surenchères ne cesseront jamais. 

Nous poursuivrons les mesures qui facilitent le stockage de gaz pour l’hiver prochain. Nous continuerons de soutenir l’achat commun de combustible, tout en sachant que nous devons diversifier nos sources d’énergie. 

Nous devons instaurer un cadre réglementaire solide pour l’avenir. La révision actuelle du règlement de l’Union sur le gaz va déjà nous permettre d’aligner nos règles sur la demande et le transport d’hydrogène vert. Les règles du marché de l’électricité devraient être révisées au début de l’année prochaine. Et je peux vous affirmer que le Parlement est prêt à agir pour nous aider à mettre en place ensemble la résilience dont nous avons besoin dans le domaine de l’énergie.

Le Parlement est et restera un partenaire des discussions. Le programme RePowerEU présenté en mai prend forme. Hier à peine, un accord a été conclu, avant Noël comme promis.  Nous pouvons agir vite s’il le faut et nous l’avons prouvé. 

Plus la crise énergétique durera, moins le recours à la base juridique de l’article 122 se justifiera pour fonder notre action. 

La majorité des propositions de la Commission ont des conséquences systémiques – ce qui est précisément ce qu’il nous faut –, mais le Parlement doit y être associé. 

Prenons par exemple les discussions sur le plafonnement de prix: elles durent depuis des mois et la contribution du Parlement aurait pu être décisive. Nous devons travailler ensemble. 

La croissance du PIB de la zone euro a ralenti au cours de ce dernier trimestre, et nous prévoyons qu’elle ralentisse encore davantage, et que nous subissions probablement une contraction de la production à court terme. 2023 sera une année difficile. Mais notre base économique est forte et les résultats de cette année sont bien meilleurs que ce qu’envisageaient les prévisions. 

Nous devons collectivement nous abstenir de mener des politiques budgétaires qui alimentent l’inflation et qui touchent le plus durement les plus vulnérables. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de marge de manœuvre dans certains domaines, mais elle doit être équilibrée. 

Il faut revoir le cadre de gouvernance économique de l’Union. Un cadre approprié et crédible est indispensable si l’on veut des politiques budgétaires viables. Je me félicite que la Commission ait entamé un débat à ce sujet avec les États membres et le Parlement européen.

Mais il faut agir vite. Tout doit être prêt en 2023.

En 2023 également, nous devrons nous montrer plus forts que jamais aux côtés de l’Ukraine. Les Ukrainiens auront à nouveau besoin de notre aide politique, humanitaire, militaire, énergétique et financière. 

La lassitude ne doit pas s’installer, car c’est sur quoi compte la Russie. Celle-ci entend épuiser nos moyens et venir à bout de notre patience. Nous devons afficher une même capacité de résilience que celle que nous avons demandée aux Ukrainiens. 

Nous devons finaliser notre prochaine série de sanctions et veiller à remédier aux lacunes qui subsisteraient. 

Hier, nous avons remis le prix Sakharov au peuple ukrainien, représenté par le Président Zelenski. Ses propos nous ont convaincus – comme s’il le fallait encore – de la détermination de la courageuse Ukraine. J’ai salué les progrès fulgurants accomplis par l’Ukraine dans l’application des sept recommandations que la Commission européenne a formulées sur la candidature de votre pays à l’Union européenne. 

Nous pouvons aider le peuple ukrainien et nous continuerons de le faire.

Enfin, permettez-moi de vous remercier, Petr, pour la présidence tchèque, pour nous avoir guidés ces derniers mois et avoir clôturé une longue liste de dossiers complexes au cours d'une année difficile. 

J'accueille chaleureusement la future présidence suédoise et je me réjouis de travailler avec vous, cher Ulf.

Ce n’est pas le travail qui manque. 

Chaque fois que nous nous rencontrons, il y en a davantage. Je suis néanmoins convaincue qu’ensemble, nous serons en mesure de surmonter nos différences et de faire avancer l’Union européenne.

Je vous remercie. 

You may find here the transcriptions of her speech per language: