Lors de sa visite à Kiev, la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a reçu le doctorat honorifique de l'Université nationale Taras Shevchenko de Kiev. S'adressant aux étudiants, la présidente Metsola a rendu hommage au travail de l'Université pour former la prochaine génération de dirigeants.
Monsieur le Recteur Bouhrov, Madame la Vice-Rectrice Smyrnova, Monsieur le Président Stefantchouk, Mesdames et Messieurs les Professeurs, Chers étudiants, Chers Européens,
C’est un honneur pour moi d’être avec vous aujourd’hui à l’université nationale Taras-Chevtchenko de Kiev pour recevoir ce doctorat honoris causa et pour rendre hommage au travail accompli par cette magnifique institution qui forme la prochaine génération de dirigeants. De dirigeants ukrainiens. De dirigeants européens.
Depuis le début de l’invasion russe, j’ai eu le privilège d’effectuer plusieurs visites en Ukraine. Et, je ne vous le cacherai pas, le spectacle des dévastations de la mort, de la souffrance, de tous ces logements abandonnés par ces millions d’Ukrainiens déplacés, est toujours plus pénible. Je n’oublierai jamais ma première visite à Kiev, le 1er avril 2022, ce même jour où les soldats ukrainiens ont libéré la ville de Boutcha, pour y découvrir les victimes des atrocités du régime russe.
Et c’est au milieu de ce tableau de désolation que devant mes yeux, j’ai vu l’Ukraine se dresser et montrer la plus grande force et le plus grand courage qui puissent animer un pays et un peuple, refusant la soumission et gardant foi dans l’avenir. Quand je suis arrivée à Kiev, quelques semaines après le début de la guerre illégale menée par la Russie, la ville était complètement déserte. Il y avait des postes de contrôle partout, et lorsque nous sommes arrivés au parlement ukrainien, j’ai vu devant moi des centaines de parlementaires dans un hémicycle quasiment normal, en train de travailler et de tenir des réunions. À ce moment-là, j’ai compris que l’espoir l’emporterait toujours sur la peur.
Lors de cette visite, j’ai eu l’honneur et la charge de transmettre, en personne, le message de soutien du Parlement européen à la Rada d’Ukraine. En ce 9 mai, en cette journée de l’Europe, deux ans après le début de l’invasion illégale de votre pays par la Russie, je tiens à vous assurer que notre message est toujours d’actualité. Il l’est aujourd’hui et il le restera aussi longtemps que nécessaire.
Sous les yeux de l’Union européenne et du monde, vous défendez vaillamment votre pays. Mais, nous le voyons bien, vous ne vous battez pas seulement pour protéger vos foyers et votre territoire. Vous vous battez aussi pour ce en quoi nous croyons tous: la liberté; la démocratie; l’état de droit. Pour ces idéaux qui nous rassemblent, comme frères et sœurs. Qui font de nous tous des Européens.
C’est pourquoi les institutions européennes et les États membres, unis comme jamais, ont décidé de faire bloc afin d’apporter une aide militaire, financière, politique et humanitaire à l’Ukraine et à son peuple. Et c’est pourquoi nous continuerons à le faire. Pourquoi nous avons réduit notre dépendance énergétique envers la Russie, pourquoi nous avons adopté treize trains de sanctions dans le but d’empêcher le financement de la machine de guerre russe, et pourquoi nous n’arrêterons pas tant que tous les auteurs de ces crimes de guerre odieux aient répondu de leurs actes. Hommage à l’œuvre accomplie par le Parlement européen, ce doctorat honoris causa est là aussi pour nous rappeler que nous avons le devoir de défendre sans relâche nos valeurs communes et de demeurer aux côtés de l’Ukraine.
Nous savons combien sont lourds les sacrifices que les Ukrainiens consentent pour l’Europe. Votre pays a fait d’énormes efforts pour adopter l’acquis de l’Union, singulièrement en ces temps difficiles. Et, je tiens à le dire, j’ai grand plaisir à collaborer en bonne intelligence avec le Président Stefantchouk, et à constater que Parlement et la Rada ont noué d’aussi solides relations, ce pour la bonne mise en œuvre, par l’Ukraine, des réformes qui s’imposent.
Le Parlement européen a été la première institution européenne à demander que l’Ukraine obtienne le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne et nous avons été les plus fervents partisans de l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union, qui ont débuté l’année dernière. Et nous continuerons d’insister pour que l’Ukraine intègre petit à petit le marché unique de l’Union et ses programmes sectoriels,dont Erasmus+, notre initiative phare. Car nous sommes convaincus, et nous constatons, que l’élargissement de l’Union européenne a un pouvoir de transformation. Et qu’il rendra l’Ukraine meilleure, plus sûre et plus prospère au sein d’une Union européenne plus forte et résiliente.
À ce stade de mon propos, je dois vous avertir: le processus d’élargissement ne sera pas facile. J’en ai moi-même fait l’expérience lorsque mon pays a pris la décision historique de rejoindre l’Union européenne. Et s’il est vrai que l’adhésion à l’Union aura des conséquences sur chaque Ukrainienne et chaque Ukrainien, elle nécessitera que chacune et chacun de vous s’y investisse.
Étudiante, à votre âge, je n’avais qu’une chose en tête: travailler pour aider mon pays à avancer vers l’adhésion à l’Union européenne. J’étais présente tous les jours sur le campus de l’université de Malte, qui n’est pas si différent de celui-ci, pour convaincre les autres étudiants et mes amis que l’adhésion à l’Union européenne avait le pouvoir de transformer notre pays. Peut-être ai-je consacré un peu trop de temps à cette activité, et pas assez à étudier pour obtenir mon diplôme. Du moins, c’est ce que mes parents diraient si vous le leur demandiez.
Ce que je veux vous dire, c’est que même si tous les dispositifs nécessaires sont bien en place, si tous les accords sont signés et tous les délais sont fixés, ce que j’appelle la «génération Europe» a une mission essentielle à remplir dans les pays qui ont vocation à adhérer dans l’Union. Je suis fière d’avoir fait partie de cette «génération Europe» dans mon pays. Aujourd’hui, c’est vous qui êtes la «génération Europe» de l’Ukraine.
Vous avez le devoir d’exercer une influence sur la trajectoire historique de votre pays, et sur le destin de notre projet européen. D’ailleurs, je suis convaincue que l’un ou l’une d’entre vous pourrait bien se retrouver un jour à ma place.
Mes chers amis,
J’admire votre résilience et la ténacité avec laquelle vous continuez de venir à l’université pour y poursuivre vos études malgré la guerre illégale et non provoquée qui frappe votre pays. Peut-être le faites-vous inspirés par l’exemple des dirigeants de votre pays ou en l’honneur de vos proches qui combattent en première ligne. Ou peut-être êtes-vous animés par l’esprit combatif de Taras Chevtchenko, qui a donné son nom à votre université. Peu importe d’où vous tirez votre force, je vous félicite de vous être lancés dans cette voie.
En ces temps difficiles, votre pays a besoin de visionnaires, de stratèges, de combattants, de personnel humanitaire, mais il a aussi besoin d’étudiants aspirant à devenir médecins, ingénieurs, avocats, scientifiques, responsables politiques, ou encore dirigeants, comme vous. Car lorsque cette effroyable guerre prendra fin et que l’Ukraine en sortira vainqueur — c’est sur vous que compteront votre pays et l’Europe.
Et c’est pourquoi nous sommes reconnaissants à cette université qui est la vôtre de garder ses portes ouvertes et de continuer à proposer ses formations, même dans les pires difficultés. Merci à vous Recteur Bouhrov, merci Madame la Vice-Rectrice Smyrnova, merci à l’ensemble des professeurs et du personnel.
Comme le dit l’hymne de l’université nationale Taras Chevtchenko de Kiev:
«Ce que nous a appris notre glorieuse histoire, C’est de faire le bien dans cette noble enceinte. Car l’élite des étudiants est l’espoir du pays. C’est ici que notre avenir s’est construit!»
Et continuons de le construire. Pour l’Ukraine comme pour l’Europe.
Slava Oukraïni.
Seul le prononcé fait foi.