La Présidente Metsola reçoit le titre de Docteur Honoris Causa de l'Université de Lisbonne 

 

Au cours d'une cérémonie solennelle au Portugal, la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a reçu le titre de Docteur Honoris Causa de l'Université de Lisbonne.

Monsieur le recteur,
Monsieur le Président du conseil général,
Cher professeur Ricardo Ramos Pinto,
Chère professeure Carla Margarida Barroso Guapo da Costa,
Monsieur le Ministre, 
Monsieur le Maire,
Chers députés au Parlement européen,
Chers ambassadeurs et chers invités, 
Chers professeurs,
Chers étudiants,
Chers Européens,

C’est un immense honneur pour moi de revenir à Lisbonne, ville splendide et pleine de vie. Comme l’a souligné la professeure Guapo da Costa, le Portugal est l’un des pays dans lesquels je me suis rendue le plus souvent depuis le début de mon mandat. Il y a une raison à cela: le Portugal est un pays qui incarne le sens du mot «européen». Je me sens chez moi ici, parmi ces habitants qui incarnent les valeurs de résilience, de solidarité et de vivre-ensemble auxquelles l’Europe doit rester attachée. C’est ce que je nomme «l’effet portugais». 

Je suis plus honorée encore de me tenir devant vous, dans la prestigieuse université de Lisbonne, pour recevoir le titre de docteure honoris causa. Obrigada por esta homenagem. Outre la reconnaissance du travail accompli par le Parlement européen, j’y vois la responsabilité de continuer à défendre l’Europe et, une nouvelle fois, nos valeurs européennes: la liberté, la démocratie, l’égalité et la justice, que nous prenons peut-être trop souvent pour acquises mais qui, de plus en plus souvent, sont menacées.

Mesdames et Messieurs,

La semaine prochaine, le Portugal célébrera le cinquantième anniversaire de la révolution des œillets qui, en 1974, amorça la transition démocratique du pays, marquant la fin d’une ère de répression. L’histoire du Portugal se poursuivit, avec un nouveau chapitre qui l’inscrivit dans l’histoire d’une Europe libre.

Trois ans plus tard, c’est à Mário Soares, ancien étudiant de la prestigieuse université dans laquelle nous nous trouvons, Premier ministre du premier gouvernement constitutionnel du Portugal, qui serait ensuite élu député au Parlement européen, que l’on doit le premier pas important du Portugal sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne et la poursuite de notre histoire commune. 

Nous nous trouvons dans la ville de l’Europe. Le traité de Lisbonne a défini l’Europe moderne. En 2007, les dirigeants européens, menés par José Manuel Durão Barroso, alors président de la Commission, se réunirent ici, en ce lieu hautement symbolique qui traduisait leur ambition, tournée vers l’avenir, de s’engager sur la voie de l’Europe. Cela signifiait un Parlement européen plus fort mais, surtout, cela signifie que nous avons su relever ensemble les défis de ces quinze dernières années. Nous devons aujourd’hui retrouver cet état d’esprit, ce courage politique, pour continuer d’avancer. Et, cette fois encore, nous suivrons la direction indiquée par le Portugal.

Votre pays a compris, plus tôt et peut-être mieux que tout autre, qu’il n’y a de liberté que si chacun est libre, qu’on n’est en sécurité que lorsque chacun l’est et qu’une Europe unie est la meilleure des garanties pour l’ensemble de nos concitoyens.

Cette même philosophie guide aujourd’hui notre réaction à la guerre illégale menée par la Russie en Ukraine. Cette guerre, personne ne l’a voulue, personne ne l’a encouragée, mais elle vise ce que nous avons de plus cher en Europe. Elle constitue un signal d’alarme: pour certaines personnes, notre mode de vie européen constitue encore une menace de par sa simple existence. C’est pourquoi nous ne pouvions pas hésiter, et nous ne l’avons pas fait, quand il s’est agi de nous tenir aux côtés de l’Ukraine au moment décisif. C’est pourquoi nous nous tenons encore à ses côtés et continuerons de le faire aussi longtemps que nécessaire. 

En février 2022, quelques jours à peine après l’invasion russe en Ukraine, j’ai rencontré à Strasbourg un groupe de femmes et d’enfants qui venaient de quitter Kiev. Je leur ai demandé où ils se rendaient et ils m’ont répondu «Porto», une ville à l’autre bout du continent. C’était un échange empreint d’émotion mais qui prouve que, même dans les pires moments, le Portugal ne s’est pas dérobé à ses responsabilités et qu’il est resté fidèle à ses valeurs lorsque certains ont fui le poids de l’oppression pour rejoindre la démocratie, au cœur même de l’Union européenne. 

C’est-à-dire, chers amis, à l’effet portugais. L’Europe se montre ici sous son meilleur jour. 

Votre nation marque le début de l’Europe, mais constitue aussi une ouverture sur le reste du monde. Les liens uniques que vous entretenez avec l’Amérique latine, l’Afrique ou encore l’Asie ont conféré à l’Europe des qualités de communication et d’écoute universelles qui favorisent une compréhension commune et protègent le multilatéralisme.  

Nous avons traversé des moments difficiles mais, comme le dit le proverbe: «O ferro mais forte é forjado no fogo mais quente.» C’est pourquoi je suis convaincue que l’Europe est plus forte que jamais, grâce aux obstacles survenus sur notre chemin, et non à cause d’eux. Les crises que nous avons traversées ont renforcé notre résilience et notre détermination et ont plus que jamais resserré nos liens. Nos valeurs prennent davantage d’importance et de force lorsqu’elles sont mises à l’épreuve, comme cela a pu arriver par le passé.

Ces dernières années, la confiance à l’égard de notre projet et de nos valeurs a été remise en question de nombreuses fois, mais l’Europe a tenu bon, se montrant à la hauteur des événements. 

Au plus fort de la pandémie, nous sommes parvenus à assurer la fourniture de vaccins et de respirateurs, nous avons largement amélioré notre capacité à coopérer en matière de santé, nous avons soutenu l’emploi et les entreprises et participé à la relance des économies nationales. Si nous y sommes parvenus, c’est parce que nous avons travaillé ensemble.

Nous nous sommes unis de façon inédite afin d’apporter une aide militaire, financière, politique et humanitaire à l’Ukraine. Ensemble, nous nous sommes opposés, fermes et résolus, aux tactiques d’intimidation déployées par Vladimir Poutine et avons mis fin à nos dépendances à l’égard de son pays.

Ensemble, nous défendons l’humanité en plaidant pour la désescalade des tensions au Moyen-Orient et pour l’édification d’une paix et d’une stabilité pérennes.

Ensemble, nous franchissons les premières étapes vers une véritable union de la sécurité et de la défense, qui mesure combien la défense de la paix est une conviction centrale en Europe. 

Nous savons, cependant, que notre plus grand atout géopolitique demeure l’élargissement, qui est un processus gagnant-gagnant. Concernant l’Ukraine, la Moldavie, les Balkans occidentaux et la Géorgie, nous sommes passés de la parole aux actes.

De la même façon, la semaine dernière, nous avons adopté contre vents et marées un solide cadre législatif pour la migration et l’asile, commun à tous les États membres. C’est un cadre juste envers ceux qui ont besoin de protection, ferme envers ceux qui n’ont pas droit à l’asile et sévère envers les trafiquants qui exploitent les personnes plus vulnérables du globe. C’est un cadre qui sécurise les frontières, qui est fondé sur la solidarité et la responsabilité, qui fait passer l’humain en premier.

Ensemble, nous traçons le chemin qu’empruntera la transition écologique de l’Europe pour répondre à l’urgence climatique, accélérer la croissance durable et accroître la résilience des économies européennes. J’insisterai ici sur la nécessité, pour qu’elle fonctionne, que cette transition écologique soit juste. Elle doit être juste avec les États membres et les régions. Elle doit être juste avec les entreprises, l’industrie, les familles et les individus. Elle doit être juste en ce sens qu’elle ne doit laisser personne sur le carreau. 

Dans le domaine du numérique, nous avons adopté des textes législatifs afin de rendre l’internet plus sûr pour les citoyens et de garantir la responsabilité des entreprises.

Nous avons ainsi adopté la première législation globale sur l’intelligence artificielle en trouvant un équilibre entre l’innovation et la réglementation. Ce juste milieu est d’autant plus important que des interférences étrangères et des actions de manipulation électorale sont à craindre.  

Concernant la désinformation, justement, l’Union vient d’adopter deux textes précurseurs: la législation européenne sur la liberté des médias et une directive visant à lutter contre les poursuites stratégiques altérant le débat public. Ces textes garantiront l’indépendance des médias, favoriseront le pluralisme et protégeront les journalistes des procédures-bâillons.

Ensemble, nous avons réaffirmé notre engagement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons adopté plusieurs textes législatifs visant à lutter contre la violence sexiste, à briser le plafond de verre et à mettre fin aux discriminations. 

Chère professeure, c’est avec beaucoup d’émotion que je vous ai entendue dire votre fierté de me parrainer. Ce sentiment est réciproque: je suis honorée que vous me nommiez docteure honoris causa. C’est un honneur, non seulement en tant qu’universitaire accomplie et europhile convaincue, mais aussi en tant que femme.

Nous, en tant que femmes qui évoluons au sein du monde universitaire, politique ou économique, dans la plupart des domaines en réalité, nous avons une petite idée de ce que l’on ressent quand on est mis dans une case et qu’on subit des stéréotypes. La route qui mène au sommet est bien plus escarpée pour les femmes, et elle l’est encore plus si les femmes ne s’aident pas entre elles. 

À ce sujet, j’ai une pensée pour Tajala Abidi. Cette jeune Afghane, âgée de 25 ans, a fui son pays dès les premiers mois de la répression des talibans à l’encontre des femmes et de leurs droits et libertés. Aujourd’hui, à 8 000 kilomètres de son pays d’origine, Tajala se sent chez elle au Portugal. Je l’ai rencontrée lors d’une de mes dernières visites à Lisbonne. Elle n’était pas seule: plusieurs femmes et filles qu’elle a aidées à fuir l’accompagnaient. Deux de ces femmes, m’a-t-on appris, étudient aujourd’hui l’ingénierie à l’université de Lisbonne, et Tajala y suivra bientôt un master. 

Une fois de plus, l’Europe se montre ici sous son meilleur jour: c’est tout bonnement l’effet portugais. 

Au cours des cinq dernières années, en effet, ensemble, nous avons permis aux nouvelles générations de voyager, d’étudier, de travailler, de créer des entreprises, de faire de la recherche et d’innover dans un vaste espace de liberté. Grâce aux fonds de l’Union, nous donnons aux jeunes de toute l’Europe la possibilité de s’épanouir pleinement.

Bien sûr, mes propos ne signifient pas que l’Union européenne est parfaite, bien au contraire. Si je suis fière de ce que nous avons fait, du travail politique que nous avons mené, de la solidarité dont nous avons fait preuve, du travail qu’ont accompli mes collègues portugais au Parlement, nous n’en devons pas moins être lucides sur les domaines dans lesquels nous aurions pu mieux faire et être davantage à l’écoute, sur les frustrations que nos procédures ont créées, éloignant de nous certaines personnes, sur les situations où nous sommes allés trop loin et celles où nous aurions peut-être pu en faire davantage. 

En Europe, trop de jeunes ont encore du mal à boucler les fins de mois, vivant au jour le jour en tirant le diable par la queue. Trop de jeunes s’inquiètent encore pour leur avenir, ne sachant pas s’ils trouveront un emploi ou s’ils pourront payer leur loyer, sans parler d’acheter leur propre logement. Trop d’entreprises ont encore du mal à innover, étouffées qu’elles sont par un excès de bureaucratie et de paperasserie. Il nous appartient de leur faciliter la tâche. 

C’est en faisant preuve de cette honnêteté que nous pourrons résister à tous les propos trompeurs et tentatives d’atteinte à nos processus électoraux. 

Mais, pour y arriver, nous avons besoin de vous. 
Nous avons besoin que les citoyens y croient. 
Nous avons besoin d’une dose non négligeable de la confiance dont vous témoignez ici.

Nous traversons une période, j’en ai bien conscience, où il est plus facile de se rallier aux pessimistes, plus populaire de participer à détruire plutôt qu’à bâtir, plus difficile de s’y retrouver dans le flux permanent de stimuli envoyés par les réseaux sociaux. Notre modèle, cependant, le modèle européen, est menacé. Nous ne pouvons nous permettre de considérer comme acquis ce que nous avons déjà. 

Je me suis présentée à mes premières élections il y a vingt ans. J’étais alors une jeune femme de 24 ans, ingénue, sans grandes chances de gagner ni soutien, mais pleine d’espoir. Je me suis présentée à cette élection malgré mes faibles chances d’être élue, pour une simple et bonne raison: j’ai confiance en l’Europe, en notre capacité à changer des vies et à façonner l’avenir. J’ai confiance en notre modèle. Je suis convaincue que nous sommes meilleurs lorsque nous agissons ensemble. J’éprouve la même confiance aujourd’hui qu’il y a 20 ans. La politique n’a pas émoussé mon désir de changement, elle l’a aiguisé. 

Je n’ai pas été élue il y a vingt ans. Je n’ai pas non plus été élue la fois suivante. Mais je n’ai pas capitulé, et j’ai finalement réussi à convaincre suffisamment de personnes de me donner une chance. Je me rappelle encore les mots de mon père: «Sois patiente, ne te laisse pas faire, aie confiance». Je chéris ces mots, maintenant que je suis devenue Présidente du Parlement européen. 

Le contexte évolue, les élections se succèdent, mais c’est cette même jeune fille ingénue et pleine de confiance qui se tient aujourd’hui devant vous, qui choisit encore de faire bouger les lignes grâce à la politique et qui est honorée au-delà de ce qu’elle peut exprimer de devenir aujourd’hui docteure honoris causa. 

Si, aujourd’hui, l’Europe n’est pas celle que vous désirez, sachez que c’est à vous autant qu’à quiconque de faire changer les choses. Le Portugal est déjà entré dans l’histoire grâce au traité de Lisbonne, l’un des plus importants dans la construction européenne. Ne cédez pas au confort du cynisme facile, ne vous laissez pas tenter par les solutions simplistes par lesquelles les extrêmes prétendent résoudre des questions complexes. 

Levez-vous, incarnez le changement, faites entendre votre voix. N’attendez plus que quelqu’un d’autre le fasse à votre place. Le 9 juin, allez voter et participez à cet effet portugais historique.

Ayez confiance. 

Je vous remercie de votre attention.

You can read the President's speech in Portuguese here.