« L'ère des autocrates est révolue » La présidente Metsola s'adresse au prix international Charlemagne d'Aix-la-Chapelle 

 

La Presidente du Parlement européen a prononcé un discours lors de la remise du prix international Charlemagne à Aix-la-Chapelle. Dans son discours, elle a évoqué le moment décisif pour l'Europe que nous vivons. « Notre sécurité collective est un défi commun. Comme les citoyens d'Aix-la-Chapelle, nous devons rester fermes : l'unité est notre seule solution », a-t-elle déclaré.

Madame la Présidente du Bundestag,
Madame la Ministre des affaires étrangères,
Madame la Maire d’Aix-la-Chapelle,
Mesdames les lauréates du prix international Charlemagne,
Monsieur le Président du directoire du prix Charlemagne, 
Messieurs les Présidents Pöttering et Schulz,
Chers amis, 

C’est un honneur et un privilège de m’adresser à vous ici, dans la ville d’Aix-la-Chapelle, à l’occasion du prix international Charlemagne 2022.

Une ville qui peut se targuer d’une riche histoire et d’une impressionnante architecture. Une ville dont le marché de Noël fait également la renommée et où je me rends chaque année avec ma famille, avec un plaisir renouvelé. Une ville située à l’extrémité ouest de l’Allemagne, juste à la frontière avec le nord de la Belgique et le sud des Pays-Bas. Une jonction entre trois frontières au cœur de l’Europe. 

La ville d’Aix-la-Chapelle symbolise en elle-même notre projet européen. Ce n’est pas un hasard si le prix international Charlemagne a été créé et est décerné dans cette ville frontière, charnière et trait d’union entre les citoyens de différents pays, et résidence de Charlemagne, «le père de l’Europe». 

Le prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle représente ce que l’Europe a de meilleur. Même aux heures les plus sombres de l’Histoire, les citoyens de la ville d’Aix-la-Chapelle sont restés inébranlables dans leur conviction que seule l’unité pouvait garantir la paix en Europe. Et c’est ainsi que des cendres de la guerre est né le prix international Charlemagne d’Aix la Chapelle, à la Noël 1949. Un prix qui donne à l’Europe, à la liberté et à la démocratie une voix, en récompensant chaque année «une contribution exceptionnelle à l’unification européenne». 

En effet, au fil des ans, le prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle a été décerné à des personnalités ou des institutions de premier plan qui se sont distinguées en raison de leur contribution exceptionnelle à l’unité de l’Europe. 

Car, comme nous le savons, l’engagement en faveur de l’unification européenne ne connaît pas d’âge. D’ailleurs, depuis 2008, la Fondation du prix Charlemagne et le Parlement européen décernent le prix Charlemagne pour la jeunesse européenne pour récompenser des projets menés par des jeunes qui favorisent la coopération européenne et internationale. Ce prix vise à mettre en lumière le travail réalisé au quotidien par des jeunes de toute l’Europe pour renforcer la démocratie européenne et à soutenir leur participation active à la définition de l’avenir de l’Europe.

En cette année dédiée à la jeunesse, il a encore gagné en importance. 

Mesdames et Messieurs,

J’ai consacré une grande partie de mon temps à rencontrer des jeunes, à discuter avec eux et à comprendre ce qu’ils attendaient de leur Europe. Ils s’en soucient. Ils sont engagés. Ils n’ont pas cédé au cynisme facile qui sous-tend une majeure partie de notre discours politique. Ils considèrent la politique comme une force qui peut faire avancer les choses. Une force qui peut induire des changements positifs.

La politique compte. La politique, c’est la bataille des idées dans un environnement en constante évolution. La politique, c’est défendre ses convictions. 

Chers amis, peu ont payé un plus lourd tribut pour leur foi en la force de la politique et en la défense de la démocratie et de leurs convictions que les lauréates de l’édition 2022 du prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle. 

Trois femmes, trois des dirigeantes les plus solides, les plus fortes et les plus courageuses que j’ai eu l’honneur de connaître: Svetlana Tsikhanovskaïa, Veronika Tsepkalo et Maria Kolesnikova.

Elles n’ont pas choisi la politique. La politique les a choisies de la manière la plus brutale, la plus cruelle qui soit, mais elles ont fait face et défendent fermement une Biélorussie libre et démocratique. 

Le changement arrivera en Biélorussie, et ce seront ces femmes qui en seront à l’origine.

Le régime de Loukachenko en Biélorussie représente tout ce contre quoi l’Europe s’élève depuis sa construction: l’autocratie, les détentions arbitraires, la torture. Autant d’agissements qui semblent incompréhensibles aux jeunes générations d’Européens qui n’ont connu que la paix, qui ont toujours vécu dans notre Europe de la démocratie, des droits, de la solidarité et de l’égalité et de l’état de droit. 

Il est facile de penser que ces valeurs vont de soi. Pourtant, les Biélorusses se battent pour ces valeurs. Des Biélorusses ont été condamnés à l’exil ou emprisonnés pour ces valeurs.

Il faut que cela cesse.

Le Parlement européen a intensifié ses efforts pour continuer à faire reculer le régime de Loukachenko. Nous avons interdit aux transporteurs aériens biélorusses d’atterrir dans l’Union ou de survoler son territoire. Nous avons adopté des sanctions à l’encontre de Loukachenko et de ses alliés et nous avons récemment approuvé une résolution réclamant que des mesures supplémentaires soient prises. 

Nous nous positionnons en faveur d’un avenir démocratique pour la Biélorussie et continuerons à le faire.

C’est pourquoi il est si important que nous décernions aujourd’hui le prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle à Svetlana, Veronika et Maria. Des femmes courageuses, qui sont des symboles vivants du patriotisme, de la lutte démocratique, de la liberté, de tout ce que défend l’Union européenne. Qui mènent la lutte pour obtenir des changements démocratiques en dépit des conséquences auxquelles elles-mêmes et leurs proches s’exposent.

Il n’y a à mes yeux pas de personnes plus dignes.

Mesdames et Messieurs, 

Le monde qui nous entoure est moins amical qu’il ne l’était il y a encore une génération. Qu’il ne l’était il y a encore trois mois.

Nous le constatons à la lumière de la situation dangereuse en Biélorussie. Nous le constatons à la lumière de la guerre illégale que mène Poutine contre l’Ukraine. 

Les Ukrainiens et les Biélorusses comptent sur l’Europe pour qu’elle les aide. Car, comme ces millions d’Européens qui, sous la contrainte, ont dû vivre pendant un demi-siècle derrière le rideau de fer, ils savent que l’Europe est la seule voie possible. 

Ils nous disent que l’on ne peut considérer la paix, la démocratie, la liberté, les droits de l’homme et l’état de droit comme allant de soi, dans un monde où nous tenons peut-être déjà ces valeurs pour acquises. Aujourd’hui, de nombreux Européens tirent leur sentiment d’appartenance européenne de l’itinérance gratuite, des voyages à bas prix et de la facilité de notre monnaie commune. Pour nos parents et nos grands-parents, ce sentiment d’appartenance reposait sur la paix.

Ne vous y trompez pas: les citoyens ukrainiens et biélorusses ne se battent pas uniquement pour leur vie. Ils se battent également pour préserver nos valeurs communes – ce que nous appelons «nos valeurs européennes». C’est la raison pour laquelle nous avons ouvert nos cœurs et nos foyers à six millions d’Ukrainiens, nous avons adopté des sanctions fortes contre Poutine et ses alliés et nous continuons à apporter de l’aide à l’Ukraine. 

Il convient de prendre le même engagement envers nos voisins de l’opposition démocratique biélorusse, qui ont été contraints de vivre sous un régime autoritaire, et de leur apporter le même soutien.

Nous voici une nouvelle fois à un moment décisif pour l’Europe. Notre sécurité collective constitue un défi commun. Comme les citoyens d’Aix-la-Chapelle, nous devons rester inébranlables dans notre conviction que l’unité est la seule solution. 

C’est à nous de protéger l’ordre fondé sur des règles que nous représentons. De renforcer la relation d’interdépendance entre des nations et des peuples qui sont fiers de leurs différences, mais qui savent que, dans ce monde nouveau, il n’y a d’avenir qu’ensemble. Nous devons défendre résolument nos valeurs.

L’Ukraine doit gagner cette guerre. Il ne s’agit pas d’une formule creuse. La Russie ne s’est pas arrêtée à la Biélorussie. Elle ne s’est pas arrêtée à la Crimée. Nous avons raison d’aider l’Ukraine.

Les citoyens se tournent vers l’Europe en quête d’un rôle moteur ou d’orientations, tandis que d’autres continueront de mettre à l’épreuve les limites de nos valeurs démocratiques et de nos principes européens. Nous devons répondre vigoureusement à ce discours antieuropéen qui se répand avec tant de facilité et de rapidité. La désinformation et la mésinformation, le nationalisme, l’autoritarisme, le protectionnisme, l’isolationnisme et l’agression: il s’agit là d’illusions mensongères, qui n’offrent aucune solution. L’Europe, c’est tout le contraire. L’Europe signifie nous défendre mutuellement et rapprocher nos peuples. 

Et rapprocher les citoyens suppose une véritable approche ascendante. Une approche dans le cadre de laquelle les citoyens et la société civile ont la possibilité de contribuer de manière significative au processus de développement de notre Union. La conférence sur l’avenir de l’Europe, qui a achevé ses travaux il y a deux semaines, est l’exemple par excellence de l’importance que revêt et que continuera de revêtir notre coopération. Des milliers de citoyens des quatre coins de l’Europe ont participé à la plateforme numérique, aux panels de citoyens, aux groupes de travail et aux plénières de la conférence. Les conclusions montrent que les citoyens croient encore en notre projet européen. Mais ils ont également souligné qu’ils attendaient davantage de l’Europe, de nous. 

Ils attendent davantage de nous dans le domaine de la défense, où il nous faut une nouvelle politique de sécurité et de défense, car, comme nous le savons, nous avons besoin les uns des autres et, seuls, nous sommes vulnérables. 

Ils attendent davantage de nous dans le domaine de l’énergie et du changement climatique, où nous devons nous entraider le temps de nous libérer de la dépendance de la Russie et investir dans les sources d’énergie alternatives et renouvelables. 

Ils attendent davantage de nous dans le domaine de la santé, où nous devons tirer les enseignements de la pandémie et interconnecter nos systèmes, partager nos informations et mutualiser les ressources. 

Ils attendent davantage de nous pour relancer notre modèle économique, où il nous faut mettre en place suffisamment de souplesse sans hypothéquer la liberté d’action des générations à venir. 

Ils attendent davantage de nous dans le domaine de la migration, où il nous faut un système juste pour celles et ceux qui ont besoin de protection, ferme avec les autres, et sévère avec ceux qui profitent des personnes les plus vulnérables de la planète.

Et enfin, ils attendent davantage de nous en matière d’égalité et de solidarité. Notre Europe doit rester un lieu où chacun peut être ce qu’il désire être et où les perspectives de vie ne sont pas déterminées par le lieu de naissance, le genre ou l’orientation sexuelle. Une Europe qui défend nos droits. Une Europe qui ne laisse personne sur le bord du chemin.

C’est l’Europe qui incarne l’esprit d’Aix-la-Chapelle. 

Que le prix international Charlemagne défend.

Pour laquelle Svetlana, Veronika et Maria se battent avec tant d’acharnement.

Mesdames et Messieurs, l’âge des autocrates est terminé. Le dernier dictateur d’Europe tombera. La Biélorussie sera libre.

Je vous remercie.