Le partenariat entre l'UE et les États-Unis est important - La Présidente Metsola à Washington D.C.
La Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, était à Washington D.C., où elle a prononcé un discours à l'Université Johns Hopkins sur le thème « L'Europe et les États-Unis dans un monde nouveau ».

Bonjour à toutes et à tous, et merci pour votre accueil chaleureux.
C’est pour moi un honneur que d’être ici, à l’université Johns Hopkins, institution qui a façonné certains des esprits les plus brillants de notre époque. Cette université se fonde sur la conviction que la connaissance, la diplomatie et le service ne sont pas que des idéaux, mais des forces qui peuvent changer le monde. La question de la recherche d’un monde meilleur – pacifique, libre, sûr et juste – a précisément été abordée de manière admirable par l’un de ces esprits brillants, qui a déclaré: «Être chef de file sur la scène internationale, c’est une mission que personne ne mène jamais à terme. Il est rare que les dangers anciens se dissipent totalement, tandis que de nouveaux dangers apparaissent tous les jours. Y faire face efficacement n’a jamais été uniquement une question d’argent et de pouvoir. Les pays et les peuples doivent unir leurs forces, ce qui ne survient jamais spontanément.»
Ce sont les mots de Madeleine Albright, l’une des vôtres, une femme qui avait compris que la vraie force ne s’acquiert pas en se repliant sur soi, mais en s’engageant pour quelque chose de plus grand; que l’isolement peut sembler prudent jusqu’à ce qu’on réalise qu’il immobilise.
Elle parlait en connaissance de cause et c’est précisément pour cette raison qu’elle s’est battue pour un monde où les nations peuvent se rassembler, travailler ensemble et aller ensemble de l’avant. Un monde où la paix, la liberté et la justice n’étaient pas uniquement des idéaux, mais des responsabilités partagées. Aujourd’hui, cet ordre mondial est, une nouvelle fois, mis à l’épreuve. Et lorsque les gens comptent sur l’Europe et les États-Unis pour montrer la voie – à l’opposé de ceux qui croient que «la force prime le droit», qui cherchent à déconstruire petit à petit tout ce que nous avons bâti –, leur tourner le dos serait une erreur historique.
Le monde s’appuie sur la force des relations transatlantiques. Cela va au-delà de ce que nous partageons dans le domaine commercial et dans le domaine industriel, au-delà des considérations politiques immédiates. Il s’agit de ce que nous représentons collectivement pour les populations du monde entier.
Ceux qui subissent la pression des autocrates comptent sur notre soutien. Ceux qui, dans le monde entier, sont attaqués à cause de leurs convictions et de leurs opinions voient dans nos drapeaux des symboles de la liberté. Ceux qui essuient le feu sur le front se battent pour le mode de vie que nos deux blocs représentent.
Ce partenariat est important.
Nous sommes liés depuis des siècles. De Locke, qui a élaboré le concept de droits naturels, à Montesquieu, qui a introduit l’idée de séparation des pouvoirs, les penseurs européens ont inspiré les principes sur lesquels repose votre nation. L’expérience audacieuse de la démocratie en Amérique a quant à elle inspiré à son tour, dans toute l’Europe, des révolutions et des mouvements pour la liberté.
La Constitution des États-Unis consacre les droits des citoyens et c’est également ce que font les lois constitutives de l’Union européenne. Comme vous, nous croyons à la dignité de chaque être humain et pensons que chaque personne devrait avoir les mêmes chances de s’accomplir pleinement. Comme vous, nous croyons à la justice et au droit de se sentir et de vivre en sécurité. Comme vous, nous croyons à la liberté: à la liberté individuelle, au libre-échange, à la liberté de ne pas être d’accord et, pierre angulaire de tout le reste, à la liberté d’expression. Nous adhérons à ce principe ancien selon lequel nous n’aimons peut-être pas ce que certains disent, nous sommes peut-être offensés par ce qui est dit, mais nous défendrons toujours et invariablement le droit de le dire. Je voudrais insister sur ce point: l’Europe n’y a jamais renoncé et n’y renoncera jamais. Car comme vous, les Européens n’ont pas reçu tout simplement ces droits: il a fallu se battre pour les obtenir, puis les défendre, à un prix inimaginable.
Je n’étais encore qu’une petite fille quand j’ai vu, à travers la neige de l’écran de télévision du salon familial, comment des gens, de différentes générations, faisaient tomber avec acharnement le mur de Berlin. Lorsque les Lituaniens se sont mis devant les chars soviétiques pour défendre leur liberté ou encore lorsque le mouvement polonais Solidarność a défié les pronostics et fait plier le régime. À l’époque, je n’ai peut-être pas perçu pleinement l’importance de ces événements, mais je me souviens du sentiment qu’ils ont fait naître. De cet élan d’espoir inébranlable, irrépressible et effréné; du pur bonheur de millions et de millions de personnes enfin libres de décider de leur propre destin. L’histoire de l’Amérique et l’histoire de l’Europe ont été déterminées par les sacrifices de ceux qui ont tout donné pour que la liberté l’emporte sur la tyrannie.
J’étais hier à Arlington. En décembre dernier, j’ai assisté à la commémoration du 80e anniversaire de la bataille des Ardennes aux côtés de vétérans américains qui ont résisté au froid glacial et à la neige, qui ont été blessés sur l’un des champs de bataille les plus meurtriers de la Seconde Guerre mondiale. Loin de faire le choix de la facilité ou du confort, ils se sont battus parce qu’ils avaient compris que le combat pour la liberté n’est jamais le combat d’une seule nation. Il relève de la responsabilité de tous ceux qui croient au bien commun.
C’est pourquoi, ensemble, nous avons mis en place l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), partenariat qui lie nos continents pour la défense de la liberté. L’année dernière, l’OTAN a célébré son 75e anniversaire ici même, à Washington D.C. Notre relation transatlantique constitue ainsi l’alliance la plus fructueuse de l’histoire.
Je suis fière d’être européenne, je suis fière d’être à la tête d’un parlement qui défend notre mode de vie et je l’assume pleinement.
Certes, il y a des domaines dans lesquels nous pouvons mieux faire. Nous devons notamment augmenter les dépenses de défense. Depuis 2021, les États membres de l’Union européenne ont déjà augmenté leurs budgets de défense de 31 %. Nous savons cependant que nous devons faire plus, que nous devons aller encore plus loin, et nous le ferons. Nous le devons. Nous joindrons le geste à la parole, même si cela implique de prendre les décisions douloureuses que nous savons nécessaires. Nous savons que notre engagement doit être à la hauteur du niveau de menace auquel nous sommes confrontés. Or, ce niveau de menace est très élevé.
Simplifier – et non pas compliquer – nos systèmes et la vie de nos citoyens est une autre de nos priorités politiques. En juin dernier, lors du plus grand exercice démocratique plurinational au monde, un trop grand nombre d’Européens sont allés voter mus par un sentiment de frustration et de désespoir. La situation n’est peut-être pas si différente de ce côté-ci de l’Atlantique.
Je suis de nature optimiste, mais il me semble important de savoir faire preuve d’une certaine autocritique, d’être à l’écoute et d’être disposés à changer de cap quand c’est nécessaire. C’est ainsi que nous pouvons prouver que nos valeurs sont plus que des mots écrits dans de vieux manuscrits ou dans des lois archaïques; que c’est précisément grâce à ces valeurs que nous pouvons permettre à notre population de vivre mieux et plus en sécurité, de manière tangible. C’est parce que nous croyons à ces valeurs que nous pouvons œuvrer à la recherche de solutions pour que les entreprises entretiennent plus facilement des relations commerciales avec l’Europe et au sein de celle-ci. Au cours de mon séjour ici, j’ai rencontré des dirigeants du secteur industriel européen, dont les activités aux États-Unis sont considérables, et je les ai assurés du soutien de l’Europe. J’ai également rencontré des entreprises américaines pour leur expliquer la démarche de l’Europe, laquelle est axée sur l’avenir. Nous sommes ouverts aux entreprises: dans notre processus de régénération, j’y vois une chance à saisir pour les deux parties.
Certains voient peut-être l’Europe comme un continent-musée, mais ils ont tort. C’est notre continent qui a déclenché la révolution industrielle, celle qui a précisément été le moteur de transformation de l’économie américaine. Ce sont des hommes et des femmes d’origine allemande, italienne, irlandaise et polonaise qui ont retroussé leurs manches et jeté les bases de la prospérité américaine pour des générations. Même la Statue de la Liberté est l’œuvre de la sidérurgie européenne.
L’Europe est prévisible, fiable, voire ennuyeuse. En géopolitique, ce n’est pas une mauvaise chose que d’être ennuyeux. Ne sous-estimez pas la valeur d’«ennuyeux»; ne sous-estimez pas l’unité de l’Europe, sa détermination, sa force et sa volonté d’agir.
L’Europe n’appartient pas uniquement au passé. L’Europe, c’est BMW, Volkswagen, Airbus, Lufthansa et Mercedes-Benz, qui changent la manière dont le monde entier se déplace. C’est Louis Vuitton, Ferrari, Hermès et Gucci, qui montrent que la qualité européenne va toujours de pair avec l’élégance. C’est Ericsson, Siemens, SAP, Spotify, Mistral, qui inventent, innovent et repoussent les limites. Ces entreprises emploient des milliers de personnes de ce côté-ci de l’Atlantique également.
Nous sommes fiers des réussites européennes. C’est pourquoi notre philosophie économique à l’échelle mondiale a toujours été de soutenir des échanges commerciaux libres, ouverts et équitables avec nos alliés. Cela ne veut pas dire que nous aurons toujours les mêmes intérêts, ce qui n’implique toutefois pas d’osciller en permanence entre deux positions: nous pouvons trouver une voie qui profite à tous. Cette solution est toujours préférable au scénario dans lequel tout le monde y perd, dans lequel seuls ceux qui font partie de l’axe des autocraties tirent profit des guerres commerciales.
C’est pourquoi je pense que nous devrions parler d’accords commerciaux plutôt que de tarifs douaniers, nous rapprocher plutôt que de nous éloigner. Nous ne cherchons pas à flouer qui que ce soit. Cette stratégie du gagnant-gagnant aura toujours notre préférence. Dans le même temps, nous sommes bien sûr prêts à faire face à toutes les éventualités.
Je me permettrai donc d’affirmer clairement que l’Union réagira fermement et immédiatement face à tout obstacle injuste entravant les échanges commerciaux libres et équitables, notamment l’utilisation de tarifs douaniers pour s’attaquer à des mesures légales et non discriminatoires. Nous ne souhaitons pas nous engager sur ce chemin, mais nous sommes toutefois prêts à le faire.
En tant que Présidente du Parlement européen, je préside une assemblée composée de 720 députés provenant de 27 pays, répartis en huit groupes politiques et s’exprimant en 24 langues différentes. Avec Mike Johnson, nous nous mettons au défi pour déterminer lequel d’entre nous deux a le plus de difficultés à dégager des majorités.
Comme vous pouvez l’imaginer, il n’est pas toujours facile de trouver un terrain d’entente. Cependant, nous y arrivons maintes et maintes fois, car comme l’a dit votre père fondateur, Thomas Jefferson: «toute différence d’opinion n’est pas une différence de principe».
Selon moi, c’est en cela que consiste notre alliance transatlantique et c’est pour cette raison qu’elle dure. Il s’agit d’un partenariat bâti sur une vérité simple mais puissante: ensemble, nous sommes plus forts. En effet, lorsque nous nous sommes serré les coudes, nous avons changé le cours de l’histoire. Nous avons bâti un système qui, malgré toutes ses imperfections, a permis à nos populations de bénéficier de davantage de liberté, de prospérité et de sécurité que dans tout autre système. Aujourd’hui, il nous faut agir à nouveau dans ce sens.
C’est la raison pour laquelle les personnes qui regardent votre bannière étoilée y voient plus qu’un drapeau: elles y voient une promesse, un symbole de l’idéal américain. Notre drapeau européen représente la même promesse et c’est pour cela que les peuples du voisinage européen qui luttent contre l’autocratie, qui descendent dans la rue pour revendiquer la liberté, le font en brandissant notre drapeau aux 12 étoiles d’or.
Aujourd’hui, en –, ce combat pour nos valeurs et nos idéaux continue. Depuis trois ans, hommes, femmes et enfants – filles et garçons qui devraient plutôt être à l’école – risquent tout pour s’opposer à la tyrannie. Et ils ne mènent pas ce combat uniquement pour eux-mêmes, mais aussi pour nous tous. Nous savons en effet que lorsque la démocratie est menacée quelque part, cette menace pèse sur nous tous, dans le monde entier.
À l’attention de ceux qui voient peut-être l’histoire à travers différents prismes, je tiens à clarifier une chose: l’Union européenne est d’abord et avant tout un projet de paix.
La raison même pour laquelle six pays se sont réunis pour mettre en commun leur production de charbon et d’acier, juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale, était précisément de repousser très loin toute éventualité d’une nouvelle guerre brutale et meurtrière. L’idée était de rendre toute guerre «non seulement impensable, mais matériellement impossible». La paix est l’essence même de l’Union européenne.
Par conséquent, nous voulons, bien sûr, la paix en Ukraine; nous l’avons toujours voulue. Nous savons, aussi bien que tout autre continent, quel est le prix de la guerre et les ravages qu’elle provoque. Des générations d’Européens ont vécu la guerre et s’en souviennent encore. Nous serons donc toujours pour la paix.
Dans le même temps, nous devons également regarder les choses en face: une paix sans liberté, sans dignité, sans justice, une paix qui n’est pas fondée sur le principe selon lequel aucune décision concernant l’Ukraine ne doit être prise sans elle, ce n’est pas la paix. Les Européens qui ont passé un demi-siècle sous l’oppression, derrière le rideau de fer, ne le savent que trop bien.
Alors oui, parlons de paix; c’est toujours une bonne chose. Soyons clairs, cependant, sur ce que cela signifie. Si l’Ukraine n’est pas soutenue, si elle n’a pas la force de résister, elle ne sera pas en mesure de parvenir à cette paix difficile à atteindre. C’est pourquoi nous nous sommes tenus aux côtés de l’Ukraine et nous continuons à le faire.
Nous ne pouvons pas sous-estimer le danger bien réel qui existera si nous nous contentons de repousser à plus tard la réaction à la situation actuelle, qui évoluerait dans ce cas en une guerre de plus grande ampleur encore d’ici quelques années. C’est ce que l’Europe répète depuis le début. Le président français, Emmanuel Macron, l’a clairement exprimé il y a quelques jours. L’Europe est prête à jouer son rôle pour garantir la paix et la stabilité en Ukraine, car nous savons que cela est synonyme de paix et de stabilité en Europe, ce qui est dans notre intérêt à tous.
Nous sommes peut-être parfois en désaccord, nous défendrons chacun nos positions, mais nous n’en sommes pas moins des amis et des partenaires. Non pas parce que nous sommes tous les mêmes, mais parce que nos plus grandes victoires découlent de notre conviction partagée de faire ce qui est juste. C’est ce qui nous rend vraiment forts et nous pouvons le faire tout en défendant nos valeurs, en rendant hommage à nos héros tombés au champ d’honneur, en renforçant les idéaux qui ont précisément fait la grandeur de nos continents. Tel est le flambeau qui doit nous éclairer dans ce nouveau monde, l’esprit qui nous fait avancer.
Merci de votre attention.