Le Parlement européen continue d'honorer Daphne Caruana Galizia  

 

Le Parlement européen continue d'honorer Daphne Caruana Galizia  

Malte  
 
 

Cinq ans après l'assassinat brutal de la journaliste d'investigation Daphne Caruana Galizia, la Présidente du Parlement européen Roberta Metsola s'est adressée à la foule à La Valette. Dans son discours, elle a réitéré l'engagement du Parlement européen à protéger le journalisme indépendant et les médias libres.

       

© Union européenne | La Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, prononce un discours devant une foule réunie à La Valette

Chère famille de Daphne Caruana Galizia,
Mesdames et Messieurs,
Chers collègues engagés dans ce combat pour la justice, 

C’est un privilège pour moi d’être ici avec vous, en tant que députée maltaise au Parlement européen et présidente du Parlement européen, une institution qui a toujours apprécié le travail de Daphne Caruana Galizia. Nous sommes unis dans ce combat pour la justice. Je vous remercie pour votre détermination et votre persévérance.  

Tout au long de sa vie, dans tous les dossiers d’enquête sur lesquels elle a travaillé, Daphne Caruana Galizia n’a obéi qu’à un seul principe: faire son devoir.

Elle ne cherchait pas son propre intérêt, ni la commodité. Elle ne disait pas aux gens ce qu’ils voulaient entendre. Elle voulait faire ce qui était juste et ce qui était nécessaire. 

Les personnes comme elle sont animées par ce principe fondamental, par l’honneur et la recherche de la vérité. Leur objectif est de faire la lumière sur ce qui ne va pas, d’y mettre un terme et de régler les problèmes.

Cela lui a valu d’être tournée en ridicule et diabolisée. Ils l’ont menacée, ils ont menacé sa famille - vous, Peter, Matthew, Andrew et Paul. 

Ils ont également fait du tort à ses parents Michael et Rose, à ses sœurs Corinne, Mandy et Helene. 

Ils vous ont fait subir un calvaire et plus vous souffriez, plus ils se sont délectés de votre souffrance. 

Malgré tout, Daphne Caruana Galizia n’a jamais reculé. Elle a continué à avancer.

C’était une femme en acier trempé.

Une femme de principe.

Une femme qui pouvait distinguer le bien du mal.

Pour finir, ils ont décidé de la réduire au silence en faisant exploser sa voiture, dans un geste d’une cruauté inouïe. Ils l’ont assassinée de la manière la plus barbare, de la manière la plus brutale, quasiment sous les yeux de son fils. 

Ils pensaient peut-être la faire taire, mais ils se trompaient. La déflagration causée par sa mort, qui a secoué l’ensemble du pays et s’est propagée bien au-delà de nos côtes, a dépassé de loin les remous qu’elle a, aux dire de certains, provoqués durant sa vie.

La liste de ceux qui l’ont mise à l’honneur, mais aussi de ceux qui ont poursuivi les enquêtes qu’elle avait entamées, ne cesse de s’allonger, qu’il s’agisse du Parlement européen, du Conseil de l’Europe, de l’OSCE, d’organisations internationales et maltaises. 

La vie de Daphne était marquée par la solitude. Elle n’avait que son ordinateur portable, comme outil de travail et comme porte-voix. Sa solitude a pris fin lorsqu’ils l’ont assassinée. Sa voix, loin d’être réduite au silence, a résonné de plus belle. Non seulement à Malte, mais aussi dans le monde entier. 

Daphné est aujourd’hui vivante en chacun d’entre nous et nous sommes sa voix.

La responsabilité qui repose sur nos épaules à tous est immense. C’est maintenant à nous d’œuvrer en faveur des valeurs pour lesquelles elle a tant donné.

Daphne Caruana Galizia s’est battue pour la transparence, l’honnêteté et la responsabilité dans la vie publique. Pour elle, il fallait s’acquitter de ses devoirs et assumer la responsabilité de ses actes. 

Elle a lutté contre la corruption en politique ou dans les milieux d’affaires, parce qu’elle avait compris combien ce phénomène mine notre société, enrichit les riches et appauvrit les pauvres, qui sont toujours ceux qui pâtissent le plus de la corruption.  

Elle avait revêtu l’armure du journalisme indépendant, qu’elle considérait comme un instrument puissant pour dévoiler les malversations. 

La force du journalisme indépendant était à ses yeux supérieure au pouvoir des corrompus.
Elle y voyait un phare dans les ténèbres d’une société où règne la malhonnêteté. 

L’année dernière, le Parlement européen a approuvé à une large majorité un rapport permettant à l’Union européenne de prendre des mesures contre l’intimidation des journalistes et de porter un coup d’arrêt à tous ceux qui tentent de réduire les journalistes au silence, en légiférant contre les poursuites-bâillons. Le Parlement européen soutient le journalisme indépendant et il est favorable à une démocratie forte. Nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin. Il y a un mois, un nouvel acte législatif sur la liberté des médias a été présenté. Nous allons continuer à aller de l’avant.

Le Parlement européen continue d’honorer le travail de Daphne et ce que son engagement lui a coûté. 
Notre salle de conférence de presse a été baptisée «Daphne Caruana Galizia Hall». Le prix du journalisme porte également son nom. Il ne s’agit que de deux initiatives parmi tant d’autres pour se souvenir de celle qui était des nôtres, mais aussi pour témoigner du travail remarquable de sa plume.
Nous sommes ici réunis pour affirmer haut et fort que nous croyons en cette cause et que c’est elle qui vaincra.

Si l’on regarde en arrière, il y a eu peu d’époques où un si petit nombre de personnes a réussi à faire autant bouger les choses. Je le dis aujourd’hui clairement: nous croyons en cette cause, nous pensons qu’il s’agit d’une cause pour laquelle il vaut la peine de se battre.

Ne perdez donc pas espoir.

Ce que nous avons accompli jusqu’à présent devrait nous inciter à faire preuve de détermination.

Il reste encore beaucoup à faire pour que la vérité éclate et que la justice soit rendue. Mais notre détermination s’accroît, même si cela doit prendre du temps.

Nos arguments sont puissants, nous sommes déterminés et notre cause est juste. C’est tout ce dont nous avons besoin. Nous finirons par l’emporter.

Pour Daphne. Pour nous. Pour la Malte à laquelle nous aspirons tous.

Je vous remercie.