Le Parlement européen soutient fermement la candidature de l'Ukraine à l'Union européenne 

 

"Les sanctions commencent à faire effet. Mais nous devons aller plus loin. Cela doit devenir trop coûteux pour la Russie de continuer. En fin de compte, Poutine regarde le monde en espérant que nous serons les premiers à reculer. Mais nous ne pouvons pas faire cela". Tel était le principal message de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, lors de son discours d'ouverture du sommet de Copenhague sur la démocratie.

© Union européenne | Roberta Metsola, Présidente du Parlement européen, s’exprime lors du Sommet sur la démocratie de Copenhague 2022

Merci de m’avoir fait l’honneur de m’inviter. L’avenir de la démocratie mondiale est un thème qui pouvait sembler presque abstrait il y a encore quelques mois. La «démocratie», la plupart d’entre nous la considèrent comme acquise depuis si longtemps que nous avons été presque surpris de constater qu’il se trouve encore des individus pour la remettre en question. Des individus qui pensent que la démocratie ne devrait pas avoir d’avenir du tout.

J’appartiens à la dernière génération de ceux qui, dans l’Union européenne et de l’autre côté de l’Atlantique, se souviennent vaguement d’un monde où la démocratie était constamment menacée. Quiconque est né après moi n’a jamais connu que la paix. Peut-être sommes-nous confits dans le confort de penser que notre mode de vie était éternel.

Nous tenons pour acquis le droit de voter pour qui nous voulons. Nous tenons pour acquise la possibilité d’accéder à un journalisme indépendant. Nous savons que nous pouvons nous réunir, que nous pouvons dire ce que nous voulons, que nous pouvons ne pas être d’accord, que nous pouvons rechercher notre bonheur, que nous pouvons marquer notre opposition, que nous pouvons vivre et aimer comme bon nous semble sans devoir en payer le prix. C’est notre mode vie et il nous faut à nouveau défendre ces libertés et ces valeurs. Parce que si nous ne le faisons pas, ceux qui croient en un monde très, très différent, en un mode de vie très différent, le feront, eux.  

Le débat sur la démocratie que nous menons a pris un cours nouveau le 24 février, jour où les chars du président Poutine ont envahi l’Ukraine. Le monde a changé et nous nous sommes soudain rendu compte que tout ce que nous tenions pour acquis vacillait brutalement. Bien sûr, il y a eu des signaux d’alerte. Les États Baltes, la Finlande et la Pologne nous avertissent depuis des années. Nous avons vu ce qui s’est passé en Crimée, ce qu’ils ont fait à Navalny, comment ils ont tenté d’écraser la démocratie en Biélorussie, et malgré tout, lorsque l’idéologie révisionniste de Poutine a été mise en actes par son armée, nous nous sommes laissé surprendre. Cela n’avait pourtant rien d’une surprise.

Et aujourd’hui, l’Ukraine et ses citoyens se tournent vers l’Europe, en quête de soutien. Ils se tournent vers les États-Unis. Ils se tournent vers le Royaume-Uni. Ils attendent de nous que nous joignions le geste à nos paroles et à nos valeurs.

La riposte que nous avons mise en place face à cette invasion et que nous devons continuer de déployer en dit long sur nos valeurs. Nous avons su maintenir notre unité et la détermination de notre réaction. La bravoure, les actes quotidiens d’héroïsme extraordinaire du peuple ukrainien ont fait que la guerre de Poutine, qui devait durer trois jours, entre aujourd’hui dans son 106e jour.

À l’heure où nous parlons, alors que nous venons tout juste d’écouter le président Zelensky, l’invasion de Ukraine se poursuit. Les bombes continuent de semer la mort aveuglément. Des femmes sont violées. Des enfants sont déportés de force. Des millions de réfugiés ont fui et des millions d’autres fuiront à leur tour. L’offre mondiale de céréales est retenue comme rançon, tandis que la Russie remplit ses silos.

L’Europe, les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni sont restés unis pour apporter une aide militaire, humanitaire, financière et politique à l’Ukraine.

Notre réaction a été soutenue par nos citoyens. L’opinion publique a habilement retourné les armes des hommes politiques et veillé à ce que cette guerre ne fasse jamais partie des guerres oubliées. Mais ma crainte persiste. Que se passera-t-il lorsque l’effet «CNN» commencera à s’estomper? Que se passera-t-il lorsque le découragement face à la guerre finira inévitablement par s’installer? Lorsque, comme un journaliste basé à Kiev l’a déclaré hier, «l’Ouest se sera lassé de la guerre»? Lorsque les prix augmenteront, serons-nous prêts à dire que la démocratie a un prix?

Alors, nous verrons ce que valent notre détermination et notre leadership. Alors, nous devrons nous tenir debout, quand il sera beaucoup plus confortable de rester assis. Et c’est pourquoi nous devons rester concentrés sur l’Ukraine. Sur le danger réel, clair et bien présent que court notre mode de vie tout entier.

L’Europe doit continuer à faire preuve de détermination.

Lors de la cérémonie de remise du prix Charlemagne le mois dernier, décerné à Svetlana Tsikhanovskaïa, Helmut Dieser a déclaré, non sans éloquence: «L’Union européenne n’a pas besoin de conquérir ni de détruire qui que ce soit pour être et pour rester elle-même, mais elle doit maintenant apprendre, dans une détresse profonde et brutale, combien ses valeurs et ses réalisations sont gravement menacées, et à quel point les gens qui se battent également pour ces valeurs meurent ou se voient voler leur bonheur».

Nous devons continuer à aider l’Ukraine. Leur combat, leur combat pour la liberté, pour la démocratie et pour les valeurs qui nous unissent, est aussi notre combat.

La démocratie exige des efforts. La démocratie mérite qu’on se montre courageux. Mais la démocratie a aussi besoin de leadership.

C’est pourquoi nous devons continuer, au sein de l’Union européenne, à renforcer nos mécanismes de sécurité et de défense. Nous avons besoin d’un nouveau cadre en matière de sécurité dans l’Union, d’un cadre qui complète l’OTAN plutôt que de la concurrencer.

En d’autres termes, nous devons passer de la parole aux actes.

Les sanctions commencent à produire leurs effets. Mais nous devons aller plus loin. Il faut que le prix à payer soit si élevé que la Russie n’ait d’autre choix que d’abandonner. En fin de compte, Poutine veut faire plier le monde et espère que nous céderons les premiers. Mais nous ne pouvons pas céder.

Nos sacrifices économiques d’aujourd’hui sont un investissement que nous faisons pour que nos enfants et les enfants de nos enfants puissent vivre dans un monde libre et démocratique. Nous devons nous libérer de l’énergie russe.

Nous devons également être prêts à soutenir l’Ukraine au-delà de l’aide d’urgence. Soutenir l’Ukraine consiste également à investir dans sa reconstruction et dans le renforcement de ses institutions.

Nous aiderons l’Ukraine à mener des réformes ambitieuses pour maintenir un véritable système de gouvernance démocratique doté d’institutions résilientes, efficaces et responsables. Il ne s’agit pas seulement de préserver la démocratie ukrainienne, mais aussi de préserver la démocratie européenne – et mondiale.

Pour ce qui est des ambitions européennes, chaque journaliste que j’ai rencontré m’a interrogée sur le sujet. L’Ukraine fait déjà partie de notre famille européenne, mais il est grand temps qu’on lui offre également une possibilité réelle de rejoindre notre projet européen.

C’est une question d’espoir. Il s’agit de reconnaître le prix que l’Ukraine a été forcée de payer. Et il s’agit tout autant de renforcer l’Europe que de renforcer l’Ukraine.

Je vais donc être claire: le Parlement européen, que j’ai l’honneur et la responsabilité de présider, soutient fermement la demande de l’Ukraine d’obtenir le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne.

Je suis une responsable politique. Je comprends la real politik. Je comprends l’art du possible. Mais je comprends également que Poutine ne s’est pas arrêté en Crimée. Il ne se serait pas arrêté à Kiev. Alors si nous continuons de plaider en faveur de la paix, il doit s’agir d’une véritable paix. La paix dans la liberté. La paix dans la dignité. La paix dans la justice. La paix dans la responsabilité. En Europe, nous connaissons le coût de la politique d’apaisement, nous connaissons le poids des murs et des rideaux de fer, nous savons que tourner le dos se paie par des vies broyées et des générations perdues.

C’est maintenant que nous devons agir. Le moment est venu pour l’Europe. Quel jugement l’histoire portera-t-elle sur nos actes? Dira-t-elle aux générations futures que la démocratie l’a emporté sur l’autoritarisme? Que le multilatéralisme l’a emporté sur l’isolationnisme? Je ne pense pas.

Cela dépendra de nous et des décisions que nous prenons aujourd’hui.

Je vous remercie.