La seule voie qui s'offre à nous est d'avancer ensemble  

 

La seule voie qui s'offre à nous est d'avancer ensemble  

Aix-la-Chapelle  
 
 

S'exprimant lors de la cérémonie marquant le 75e anniversaire du Prix international Charlemagne à Aix-la-Chapelle, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a déclaré qu'il était temps de prendre des mesures réelles et concrètes pour construire une Union plus étroite et plus forte.

       

Madame la maire d’Aix-la-Chapelle, 
Monsieur le président du parlement du land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, 
Monsieur le président du directoire du prix Charlemagne, 
Mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, chers invités,

C’est pour moi un véritable honneur et un privilège d’être à vos côtés pour célébrer le 75e anniversaire du prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle. Il s’agit d’une étape importante pour cette initiative impressionnante qui, année après année, rend hommage à toutes celles et à tous ceux qui marquent notre parcours européen. Mais cette journée n’est pas un simple moment de réflexion. Elle est l’occasion de réaffirmer les idéaux qui portent ce prix et qui nous unissent en tant qu’Européens. 

Chers amis, 
Chères Européennes et chers Européens,

Il y a 75 ans, au terme de destructions, de violences et de tueries qui atteignirent leur apogée tragique durant la Seconde Guerre mondiale, une conviction phare s’imposa à travers deux mots simples, mais puissants: nie wieder – «plus jamais ça». Et pour faire en sorte que ces mots ne soient pas que des paroles, mais qu’ils se traduisent en actes, six pays se réunirent pour donner corps à la déclaration Schuman. La mise en commun de leur production de charbon et d’acier rendrait toute guerre entre les rivaux historiques «non seulement impensable, mais matériellement impossible». Mais ce n’est là qu’une partie de l’histoire. 

Il y a 75 ans, ici même, à l’épicentre de l’empire de Charlemagne, là où prit forme pour la première fois l’idée d’une Europe unie, les citoyens de la ville d’Aix-la-Chapelle restèrent inébranlables dans leurs convictions. Et c’est ainsi qu’avec ce nouvel élan politique naquit le prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle. Un prix qui donne à l’Europe, à la liberté et à la démocratie une voix, en récompensant chaque année «une contribution exceptionnelle à l’unification européenne».

En effet, si notre projet politique et économique est le cœur de l’intégration européenne, le prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle en est l’âme. Ce qui rend ce prix si unique, ce n’est pas seulement son histoire, mais celles et ceux qui le remettent: non pas un gouvernement ou une institution, mais des citoyens qui croient en l’Europe non comme un projet lointain ou une silhouette abstraite sur une carte, mais comme une responsabilité partagée. Voilà l’esprit du prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle. Et 75 ans plus tard, cette idée, cet esprit sont plus importants que jamais. 

L’année dernière, lorsque des millions d’Européens se sont rendus aux urnes pour élire un nouveau Parlement européen, ils étaient bien trop nombreux à voter par désespoir ou par frustration. Ce n’est pas forcément qu’ils aient perdu la foi en notre projet commun, mais plutôt qu’ils peinent à voir en quoi l’Europe peut répondre à leurs préoccupations. Ils ont parfois l’impression de ne pas être entendus et d’être mésestimés. Tout ce qu’ils veulent, c’est voir comment l’Europe peut concrètement changer leur quotidien. 

S’il y a bien une chose dont vous pouvez être sûrs, c’est qu’en tant que présidente du Parlement européen, je suis on ne peut plus pro-européenne. C’est précisément pour faire adhérer mon pays à l’Union européenne que je suis entrée en politique. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que le prix Charlemagne pour la jeunesse européenne me tient tant à cœur. Cela étant dit, je pense que c’est justement en se montrant capable d’autocritique, en étant plus à l’écoute, et en changeant de cap quand c’est nécessaire que nous restaurerons la confiance des citoyens en notre projet commun, que nous renforcerons l’Europe à long terme. 

Je veux que nos meilleurs jours soient devant nous et je sais que cet objectif nécessite de remettre notre économie sur la voie d’une croissance stable, de stimuler la compétitivité européenne et de réduire les formalités administratives, de simplifier la vie quotidienne des citoyens. Nous avons de quoi être fiers de notre manière de faire les choses en Europe, de mettre les citoyens au cœur de tout ce que nous faisons. C’est ce à quoi nous devons revenir. Et il faudra, pour y parvenir, une méthode ambitieuse.

Il en va de même concernant l’achèvement des marchés uniques de l’énergie, des capitaux, des télécommunications, des services bancaires et de la sécurité. Si l’on prend l’exemple des marchés des capitaux, les études montrent que l’intégration pourrait faire progresser le PIB européen de 2 ou 3 %. C’est là une ressource qui ne demande qu’à être exploitée.

En 2002, lorsque Wim Duisenberg, qui était alors président de la Banque centrale européenne, a accepté le prix international Charlemagne décerné à notre monnaie commune, l’euro, il a fait la remarque suivante, très intéressante: «On ne peut pas se contenter de dire que l’euro est le symbole d’une grande communauté européenne. En réalité, l’introduction de l’euro remonte également aux intérêts économiques qu’elle concrétise.» Et il avait raison.

On ne peut pas se contenter de demander aux citoyens d’adhérer à un projet;  il faut leur montrer l’intérêt qu’il présente pour eux. Car lorsque les citoyens voient et ressentent cet intérêt, ils considèrent qu’il est de leur responsabilité de le protéger. C’est ce à quoi nous avons assisté ici, à Aix-la-Chapelle, il y a 75 ans.    

La même approche s’applique au commerce libre et équitable. L’Europe est l’une des économies les plus ouvertes au monde et le commerce a toujours été un moteur majeur de notre prospérité. Ce n’est pas pour autant que nous devons cesser d’agir avec détermination pour protéger nos travailleurs, nos entreprises et nos consommateurs. Mais cela ne doit pas devenir un combat permanent. Les guerres commerciales, avec leurs droits de douane plus élevés et leurs droits de rétorsion, ne profitent à personne; nous pouvons trouver une voie qui profite à tous.

En somme, cette législature doit être placée sous le signe de la prospérité autant que de la sécurité. Car sans une économie forte, compétitive, juste et ouverte, nous n’aurons pas les ressources nécessaires pour investir dans notre sécurité et notre population. Nous n’aurons pas le poids nécessaire pour défendre nos positions. 

Je me rappelle le discours du président Volodymyr Zelensky, prononcé ici même il y a deux ans, lorsqu’il a reçu le prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle. Je sais que nombre d’entre vous étaient également présents. Il a commencé ainsi: «Nous sommes tous, dans cette salle, des artisans de la paix. C’est notre premier devoir envers notre pays, envers notre Europe et envers notre histoire.» 

C’est vrai. L’Union européenne est d’abord et avant tout un projet de paix. Nous connaissons le prix de la guerre et les ravages qu’elle provoque. La ville d’Aix-la-Chapelle le sait mieux que beaucoup d’autres. C’est pourquoi nous serons toujours pour la paix. Mais soyons clairs sur ce que cela signifie. La paix doit être véritable, elle doit être digne et elle doit durer. 

La sécurité de nos concitoyens et celle du peuple ukrainien sont liées. Et pour assurer sa sécurité, l’Ukraine a besoin d’un soutien continu. Car si l’Ukraine n’est pas soutenue, si elle n’a pas la force de résister, elle ne sera pas en mesure de parvenir à cette paix difficile à atteindre. Les Européens qui ont passé un demi-siècle sous l’oppression, derrière le rideau de fer, ne le savent que trop bien. C’est pourquoi nous nous sommes tenus aux côtés de l’Ukraine Et c’est pourquoi nous nous tenons encore à ses côtés 

Cela signifie que l’Europe prend désormais résolument sa sécurité en main. Les dépenses de défense ont augmenté de 20 % ces cinq dernières années. Mais nous devons aller plus loin. 

La semaine dernière, j’ai participé à la réunion extraordinaire du Conseil européen aux côtés des autres dirigeants de l’Union. Nous avons d’excellentes propositions à étudier. À circonstances extraordinaires, mesures extraordinaires. Je salue donc toutes les solutions créatives et souples visant à augmenter et à accélérer considérablement nos investissements dans le secteur de la défense. Mais les choses ne peuvent pas s’arrêter là. 

Le moment est venu de prendre des mesures réelles et concrètes pour resserrer les liens de l’Union plus que jamais auparavant. Cette évolution, le Parlement européen l’appelle de ses vœux depuis des dizaines d’années. Car comme le disait le comte Coudenhove-Kalergi, premier lauréat du prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle, «ce n’est pas seulement une histoire commune, mais une destinée commune qui fait de l’union des peuples d’Europe une nécessité».

Chers amis,

Oui, l’Europe est une responsabilité partagée. Mais c’est à nous qu’il incombe de montrer que l’Europe peut tenir ses promesses. Nous pouvons le faire. Et nous le ferons. 

Notre projet politique est le plus grand de l’histoire. Nous sommes le continent dont le sang a permis de vaincre la tyrannie. Nous sommes la patrie des bâtisseurs, des inventeurs, des francs-tireurs, de ceux qui prennent des risques. La renaissance de l’Europe est à notre portée. 

Le cours des événements est remarquable. Les voies parallèles qui ont fait avancer l’Europe il y a 75 ans sont les mêmes qui doivent nous guider aujourd’hui: la paix, la sécurité et la promesse éternelle d’une vie meilleure pour nos concitoyens. Et une fois de plus, l’heure n’est pas à l’indécision. 

Comme l’annonçait Robert Schuman dans sa déclaration du 9 mai 1950, «l’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait». Comme le savaient déjà à l’époque nos mères et pères fondateurs, ainsi que les citoyens de cette grande ville d’Aix-la-Chapelle, il ne reste qu’une seule voie à suivre: aller de l’avant ensemble.