Nous avons tout ce dont nous avons besoin - La Présidente du Parlement européen Metsola s'adresse à l'EUCO à Budapest  

 

Nous avons tout ce dont nous avons besoin - La Présidente du Parlement européen Metsola s'adresse à l'EUCO à Budapest  

Budapest  
 
 

Lors de la réunion informelle du Conseil européen à Budapest, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a exposé sa vision de la compétitivité européenne.

       

Chers collègues,

Nous nous réunissons aujourd’hui dans le contexte tragique des inondations qui ont dévasté Albacete, Valence et l’ensemble l’est et du sud de l’Espagne, et ont fait tant de morts et de disparus. Nous devons montrer aux communautés que l’Europe soutient toutes ces victimes et toutes les personnes dont la vie a été bouleversée. C’est dans ces moments que nous devons apporter des réponses rapides, adaptées et concrètes aux citoyens.

Le Parlement européen se tient prêt à participer de toutes les manières possibles au processus de reconstruction, y compris en recourant à des mesures de flexibilité en matière d’assistance financière. Et nous le ferons au plus vite. C’est sur ce principe que doit reposer notre réaction aux conséquences des catastrophes naturelles, qui se multiplient en Europe. 
 
Il s’agit d’être capable d’agir plus vite et avec la souplesse nécessaire, non seulement en réagissant aux événements qui se produisent, mais aussi en ayant suffisamment de recul pour prévoir à la fois les défis que nous devrons affronter et les besoins de l’Europe.  

Ce qui ne fait aucun doute, tant pour moi que pour le Parlement européen, c’est qu’il n’existe pas de meilleure manière de surmonter ce défi commun qu’en coordonnant nos efforts, plutôt qu’en agissant seuls ou séparément. La pertinence et la portée globale de chacune de nos actions sont décuplées lorsque nous agissons ensemble. 
 
C’est ainsi que nous devons aborder les grands problèmes géopolitiques auxquels nous nous heurtons tous. Et ce, qu’il s’agisse de questions aussi variées et pesantes que la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, de la nécessité de conclure des accords commerciaux dans le monde entier, du rétablissement de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient, de l’élargissement de l’Europe, des élections en Moldavie et en Géorgie, ou encore de notre relation avec la Chine et du renforcement de nos relations transatlantiques. 

Bien que nous ressentions les effets des résultats des élections qui ont eu lieu cette semaine aux États-Unis, je crois que nous devons continuer à nous concentrer sur les solutions que nous cherchons à apporter ici, en Europe: nous devons agir, peu importe qui est à la Maison-Blanche.

Après les élections de juin en Europe, cela prouve de nouveau qu’il est temps pour nous d’agir. Temps d’assurer notre propre défense et notre propre sécurité; temps de développer nos économies et de garantir notre compétitivité; temps de lutter contre la lourdeur de la bureaucratie; temps de réduire les formalités administratives et la surréglementation.

Notre tempérament n’est pas de dire «l’Amérique élit et l’Europe réagit», mais «l’Europe agit». 

Nous sommes à l’aube de la transformation la plus profonde et la plus importante que le monde ait connue depuis des décennies. Entre le ralentissement du commerce mondial, l’aggravation des clivages géopolitiques, les progrès rapides de la technologie et la manière dont les puissances économiques mondiales perçoivent leurs industries par rapport à l’évolution des nôtres, la place de l’Europe sur la scène mondiale subit une pression extraordinaire. Nous ne pouvons pas nous permettre de céder. Nous constatons une tendance générale au repli vers un isolationnisme grandissant, alors que c’est de l’inverse dont le monde a besoin. 

Les citoyens européens ont été clairs lors des élections au mois de juin dernier: nous ne pouvons pas rester les bras croisés et accepter les choses telles qu’elles sont. Et ce, qu’il s’agisse de réglementation, de la récupération de notre puissance économique, de l’élargissement des champs de l’innovation ou de l’influence des stratégies et des lois sur les communautés et les entreprises. Pour façonner un avenir que nos citoyens - que nos enfants - puissent envisager avec espoir et enthousiasme, nous devons prendre des mesures audacieuses.

La bonne nouvelle, c’est que nous ne partons pas de zéro. Nous pouvons nous appuyer sur de nombreuses réussites. Les premières batteries électriques? Inventées par un Italien. Le premier ordinateur programmable moderne? On le doit à l’ingénierie et à la technologie allemandes. Le Bluetooth? Inventé par un ingénieur néerlandais en Suède. Le système GSM? C’est une norme mondiale développée au sein de l’Union européenne. Aujourd’hui, nous sommes les premiers au monde à disposer d’une législation globale sur l’intelligence artificielle, d’une législation sur les services numériques et d’une législation sur les marchés numériques, qui sont toutes des références.

Ainsi, lorsque nous parlons de construire une Europe plus compétitive, nous n’avons pas besoin de dire que nous déploierons tous les moyens nécessaires: nous avons déjà tout ce qu’il faut. Nous devons simplement faire un meilleur usage du marché et des compétences dont nous disposons déjà, et trouver la volonté politique de faire le nécessaire. 

Les rapports Draghi et Letta ouvrent quelques perspectives prometteuses à cet égard et constituent une base solide sur laquelle nous pouvons nous appuyer. Aujourd’hui, je souhaite vous exposer les étapes que le Parlement européen estime qu’il faudra franchir en priorité.


La première: nous devons exploiter l’esprit d’innovation propre à l’Europe.

En pourcentage du PIB, l’Union européenne dépense un tiers de moins en recherche et développement que les autres grandes économies de l’OCDE. Cet écart se traduit par une diminution du nombre de brevets, une baisse de l’innovation et un ralentissement des gains de productivité. Il suffit de regarder notre secteur automobile: notre retard sur le plan technologique met en péril des milliers d’emplois.  

L’IA nous offre une chance d’inverser cette tendance. Mais seulement si nous investissons davantage et accélérons la transition numérique. Accélérer l’innovation peut nous aider à rattraper notre retard et à accroître notre productivité, qui est le principal moteur de la croissance économique. Il en va de même pour la décarbonation. Ce ne sera pas facile, mais c’est une occasion unique pour nous. 

Celle de façonner notre propre avenir. Celle de construire une Europe capable d’affirmer son autonomie. Et quand je parle d’indépendance, je n’entends pas «isolationnisme». Bien au contraire, un commerce ouvert et équitable fondé sur des règles internationales est essentiel. Pensez par exemple aux matières premières. Nous devons intensifier nos efforts en élargissant notre réseau d’accords commerciaux, et notamment en concluant ceux qui sont encore en cours de négociation. 

La deuxième: nous devons réfléchir plus sérieusement à la manière d’alléger la bureaucratie. 

Lorsque j’ai visité les États membres dans la perspective des élections européennes, les entreprises (des multinationales aux microentreprises en passant par les PME) n’ont cessé d’insister sur la nécessité de simplifier la réglementation et de la rendre plus efficace et plus cohérente. Elles expliquaient que, dans certains cas, elles doivent respecter chaque année des centaines d’obligations de déclaration ou d’information. Et que, la plupart du temps, la lourdeur bureaucratique est inversement proportionnelle à la taille de l’entreprise. Au cours de notre prochain mandat, nous devrons nous appliquer à améliorer notre réglementation, à la rendre plus pertinente et à mieux la mettre en œuvre.

Il ne s’agit pas de renier les principes dont nous sommes si fiers. Cependant, nous constatons que les obligations s’appliquent souvent deux (voire trois) fois, ce qui pèse sur les entreprises actives à l’international et complique l’expansion des PME. Cette réalité ne peut, ni aujourd’hui ni demain, être propice à une économie compétitive à le long terme. 

Nous devons écouter ce que nous disent nos entreprises, nos agriculteurs et nos industries. Nous devons laisser la possibilité à nos entreprises de se concentrer moins sur le respect des exigences administratives et davantage sur la concrétisation de leurs idées. Cette possibilité n’exclut néanmoins pas l’échec. Mais elle aide à se relever plus facilement. 

Ainsi, je salue l’engagement pris par la présidente de la Commission de rationaliser la législation et de réduire le plus possible les obligations d’information excessives. C’est une première étape prometteuse sur laquelle le Parlement européen est impatient de s’appuyer. Comme vous le savez, les auditions des commissaires désignés sont en cours et c’est sur cette base que nos membres évalueront les candidats. 

La troisième étape: nous devons redoubler d’efforts pour mettre fin à la fragmentation et promouvoir l’investissement.

Même si nous devrions éviter de nous comparer aux États-Unis, permettez-moi de faire une exception. Depuis le début du siècle, si l’Europe s’était développée au même rythme que nos amis d’outre-Atlantique, certains économistes estiment qu’il existerait 11 millions d’emplois de plus et que 300 milliards d’euros de taxes supplémentaires pourraient être réinvestis ou utilisés pour réduire de 60 % le déficit de l’Europe. 

L’échelle est un aspect important. La croissance crée des emplois, offre aux citoyens des possibilités d’épargne plus attrayantes, génère des richesses et accroît la compétitivité de l’Union. Pourquoi les entreprises ne prennent-elles pas d’ampleur en Europe? Parce que nos marchés sont encore trop fragmentés. Nous le voyons par exemple dans les secteurs de l’énergie, de la défense et des télécommunications. C’est également le cas dans le secteur bancaire et sur les marchés de capitaux. 

En Europe, les entreprises font face à des obstacles de taille, et ce, dès le début, lorsqu’elles doivent gagner leur premier million d’euros pour pouvoir commencer à se développer. Cette situation n’est pas due à un manque d’épargne privée au sein de l’Union européenne, mais au fait que les barrières réglementaires freinent les investissements. 

Cela signifie que même les start-up qui ont de brillantes idées et ont accès à un marché commun se heurtent à des difficultés. Bien entendu, il existe tout de même de belles réussites dont nous pouvons être fiers, mais en fin de compte, le marché unique fonctionne mieux lorsqu’il est intégré.

La création de l’union de l’épargne et des investissements contribuerait par exemple à renforcer le capital-risque européen investi dans l’industrie. C’est ce dont les start-up et les PME ont besoin pour rester, se développer et prospérer ici, en Europe. C’est ainsi que nous pourrons mobiliser les investissements nécessaires au développement de nos communautés, tout en aidant grandement le secteur public à financer sa part. 

Prendre des mesures audacieuses maintenant n’est pas seulement une question de politique. C’est aussi un moyen pour nous, en tant que représentants élus, de nous attaquer aux réalités du quotidien que sont la pauvreté, le chômage et les inégalités. C’est ainsi que nous rembourserons notre dette. C’est ainsi que nous nous montrerons dignes de notre responsabilité commune, non seulement à l’égard de l’économie européenne, mais aussi à l’égard de toutes les personnes qui en dépendent. 

En fin de compte, la prospérité est le fondement de la stabilité de l’ordre mondial. Elle est le meilleur remède aux tensions géopolitiques, y compris et surtout celles qui règnent tout au autour de nous. Cela fera bientôt mille jours que la Russie aura déclaré sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Un événement tragique qui se déroule alors même que le climat au Moyen-Orient est des plus instables, et que la Russie s’emploie activement à déstabiliser la Géorgie, la Moldavie et les Balkans occidentaux. 

L’Europe a toujours été une terre d’accueil pour les innovateurs, les entrepreneurs, les constructeurs, les réformateurs et les penseurs. Nous devons raviver cet esprit et construire l’Europe de demain ensemble, au lieu de la regarder s’effondrer. Je peux vous assurer d’une chose: le Parlement européen s’engage, et je m’engage personnellement, à franchir ces prochaines étapes. 

Je vous remercie.
 

You may find here the transcriptions of her speech per language: