Nous ne devons jamais oublier - le Parlement a rendu hommage à celles et ceux qui ont été assassinés pendant l'Holocauste 

 

En présence du Président de l'Etat d'Israël, Isaac Herzog, le Parlement européen a marqué la Journée internationale de commémoration à la mémoire des victimes de l'Holocauste. Dans son discours, la Présidente Metsola a déclaré que notre devoir est de continuer à parler. "La haine trouve encore trop de voix qui l'excusent. Trop de familles en Europe et dans le monde vivent avec des valises pleines à leur porte. Nous ne pouvons permettre à quiconque de trouver du réconfort dans l'ignorance."

© Union européenne | La Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, et le président israélien, Isaac Herzog,
inaugurent le mémorial de la Shoah, intitulé «Le réfugié», de Felix Nussbaum, devant l’hémicycle du Parlement

Monsieur le Président, 
Chers invités, 
Chers collègues,

Chaque année, à l’approche du 27 janvier, le monde se remémore les millions d’innocents – hommes, femmes et enfants – assassinés au cours de ce qui fut le pire crime de l’histoire. Un crime destiné à rayer tout un peuple de la surface de la Terre. Un crime dont le but délibéré était d’infliger des atrocités à des générations entières. Un crime dont le rejet a fondé notre Europe moderne, sur le socle d’une promesse immuable: «plus jamais ça».

Par ce crime, 6 millions de personnes juives ont été assassinées parce qu’elles étaient juives. Les peuples rom et sinté ont été ciblés, des communautés LGBTI éradiquées, et tant d’autres personnes humiliées et tuées en raison de leur origine ethnique ou raciale, de leur handicap, de leur identité ou de leurs croyances.

L’horreur de la Shoah et l’escalade de brutalité qui l’a précédée défient l’imagination. Des mères et des pères vivant dans la peur, d’innombrables personnes souffrant en silence. De jeunes enfants contraints de se terrer dans des caves et des greniers. Des rabbins, forcés de récurer les trottoirs, qui restaient dignes au milieu d’une foule hilare et moqueuse. Les choix déchirants qu’ont dû faire, chaque jour, tant de personnes, partout sur le continent. 

La Shoah n’a pas eu lieu du jour au lendemain. Comme l’a dit, il y a trois ans, Marian Turski, rescapé des camps de la mort: «Auschwitz n’est pas tombé du ciel». 
L’alarme aurait dû être sonnée plus tôt. 

Lors d’une conférence donnée en 2012, le rabbin Jonathan Sacks a témoigné qu’un des aspects de la Shoah qui le hantait était l’horrifiant silence. «Quelles voix se sont élevées? Quelles voix ont protesté?» s’est-il indigné. La Shoah appartient au passé récent, époque qui se voulait pourtant celle de l’humanisme, de la rationalité, de la science, de l’art et de la culture. Il n’y a pas eu de déferlement de haine: il s’est agi d’une lente évolution, d’une accumulation progressive. Le processus de déshumanisation a débuté avant les camps. Le plus terrifiant, nous dit le rabbin Sacks, était l’absence presque totale de sentiment d’horreur à l’époque. 

Il nous a appelés à «décider que, si le moment vient, nous nous lèverons et nous parlerons, afin que personne ne puisse dire: “lorsque nous appelions au secours, vous restiez sourds; lorsque nous souffrions, vous restiez muets”». C’est pourquoi, malgré ce qu’il en coûte de décrire ces crimes, nous devons continuer d’en parler. 
C’est pourquoi nous ne devons jamais les oublier. 

Cette parole est importante, car notre génération sera la dernière à recevoir les témoignages de première main des rescapés de la Shoah. Notre devoir revêtira un caractère plus impérieux encore lorsque leurs voix se seront éteintes. Il est de notre responsabilité de garder en mémoire ces témoignages et de les transmettre aux générations à venir. Afin de les instruire. 

Cette parole est importante, car, malgré des décennies d’efforts, l’antisémitisme existe encore. De trop nombreuses voix excusent encore la haine. Trop de familles, en Europe et dans le monde, vivent avec des valises toutes prêtes derrière la porte. Nous ne pouvons laisser à personne le confort de l’ignorance.

Je répète ce que j’ai dit devant la Knesset: être antisémite, c’est être antieuropéen.

Notre première femme présidente, Simone Veil, était elle-même une rescapée de la Shoah. Ayant survécu au pire, elle a changé la face de l’Europe, et son héritage se trouve tout autour de nous. Elle avait compris que «la neutralité aide l’oppresseur». Le Parlement européen sera toujours du même côté: du côté du respect, du côté de la dignité humaine, de l’égalité, de l’espoir.

Notre Parlement est fier de ne pas se taire. Pas lorsqu’il faut combattre la haine et la discrimination, pas lorsqu’il est question d’antisémitisme et de liberté religieuse. Et nous continuerons d’agir pour que ni l’exclusion, ni la haine, ni l’indifférence ne viennent marginaliser nos communautés. 

Nous continuerons de ne pas nous taire lorsqu’il s’agit de défendre nos valeurs, ou face à l’agression russe en Ukraine et à la rhétorique employée pour la justifier. 
Nous continuerons de ne pas nous taire alors que le régime iranien exécute la jeunesse qui se soulève pour les femmes, pour la vie et pour la liberté.  

Mesdames et Messieurs, 

Demain marquera le 78e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. Une libération de l’enfer qui a prouvé que, quoi qu’il arrive, l’espoir demeure, même lorsque tout ce qui nous entoure n’est que désespoir. 

C’est ce même espoir qui a conduit, il y a 75 ans, à la proclamation établissant l’État d’Israël. La nation israélienne a souffert mais a réussi, alors que tout s’y opposait, à faire prospérer une démocratie et à la pérenniser.

Monsieur le Président: comme je l’ai dit en Israël, le lien qui unit le peuple européen au peuple israélien s’est forgé dans l’horreur de notre histoire commune. 
C’est un lien dont la force réside dans l’ouverture, l’honnêteté, la sincérité – mais aussi l’esprit critique. Un lien qui a résisté et qui résistera à l’épreuve du temps. 

Nos peuples partagent plus qu’une histoire et une promesse de mémoire: nous partageons un destin commun et un avenir qui durera. 

Merci.