La présidente du Parlement européen Roberta Metsola est à Dayton, dans l'Ohio, pour l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, avec pour message : travaillons ensemble pour la paix et la démocratie, car les démocraties sont menacées.
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à remercier Fred Kempe de m’avoir invitée parmi vous aujourd’hui. Merci aussi à l’Atlantic Council pour son rôle moteur.
C’est un plaisir pour moi d’être ici en ce jour.
Notre rencontre se tient à un moment décisif pour le monde, en un lieu qui mesure tout le poids de l’histoire. Pour tous les habitants du pays dans lequel j’ai grandi, cet État symbolise l’espoir, la liberté et la résilience. Ce lien entre le «Buckeye State» et l’île méditerranéenne est né d’un fait historique peu connu, obscur peut-être, mais néanmoins important.
En 1942, Malte était l’endroit le plus bombardé de la planète. Nos grands-parents étaient sur le point de capituler ou de succomber à la famine quand un pétrolier américain désemparé est entré dans le port, arrimé entre deux destroyers alliés, et a réussi tant bien que mal à y accoster. Ce navire était le SS Ohio. Grâce à lui, nous allions pouvoir tenir un jour de plus. Il nous a sauvés, il a sauvé notre pays. C’est pourquoi, à l’occasion de ma première visite dans cet État, je voudrais rendre hommage à ce que le nom Ohio signifie pour nous: il a toujours été associé à l’idée de surmonter des obstacles qui semblent infranchissables. Voilà l’esprit que nous devons raviver aujourd’hui.
La relation entre l’Europe et l’Amérique est l’une des plus grandes de l’histoire. C’est aussi la meilleure alliance qui ait jamais existé en matière de sécurité, comme en témoigne la célébration récente des 70 ans de l’OTAN. Elle a assuré la sécurité de plusieurs générations, de part et d’autre de l’Atlantique. Ella a apporté la stabilité et la tranquillité d’esprit qui ont permis à l’Europe de se reconstruire, de se rétablir, de rebondir après des décennies de guerre et de rideau de fer.
Nous sommes réunis pour commémorer un autre événement marquant: il y a 30 ans, les États-Unis et l’Europe ont réussi à négocier les accords de Dayton, qui ont mis fin au violent conflit en ex-Yougoslavie. Preuve s’il en est de tout ce que nous pouvons accomplir malgré les difficultés, lorsque nous travaillons ensemble dans un esprit de bonne volonté. Ces derniers mois encore, nous avons vu que les choses fonctionnent mieux lorsque les efforts convergent. Mais nous devons rester tournés vers l’avenir.
Le courage et le leadership communs, la volonté de coopérer au nom de la démocratie ont encore plus de valeur aujourd’hui.
Il y a 30 ans, au plus fort de la crise, nous étions confrontés à un choix difficile entre des solutions différentes pour l’avenir. La démocratie a prévalu, mais elle n’était pas acquise. La démocratie n’est pas garantie. Il faut le rappeler sans relâche, en particulier à ceux qui ne peuvent se souvenir que des bienfaits de la démocratie ou ne comprennent pas pourquoi ma génération les considère comme évidents. Nous devons tous être mieux préparés à cette bataille d’idées.
Aujourd’hui, avec la guerre brutale qui fait rage en Ukraine, le monde compte à nouveau sur l’Europe et les États-Unis pour montrer la voie – pour que les démocraties se dressent contre ceux qui cherchent à déconstruire tout ce que nous avons bâti ensemble. Nous devons montrer que nos valeurs sont importantes, qu’elles valent la peine d’être défendues, que nous avons la force de résister aux menaces et que nous investissons dans notre sécurité. Parce qu’aider l’Ukraine n’est pas une question d’altruisme: il s’agit d’assurer notre propre sécurité.
L’histoire de nos deux continents est marquée par les sacrifices de ceux qui ont tout donné pour ces valeurs et pour que la liberté l’emporte sur la tyrannie. Mon fils aîné intégrera bientôt l’armée finlandaise. Quand il est né, il y a 18 ans, je pensais naïvement qu’en 2025, le service militaire ne serait plus nécessaire. Voilà un exemple du faux sentiment de sécurité contre lequel il nous faut encore lutter.
Aujourd’hui, en Ukraine, ce combat pour nos valeurs et nos idéaux se poursuit.
En Europe, nous savons le coût de la pacification. Nous savons le poids des murs et des rideaux de fer. Se détourner et laisser la démocratie disparaître petit à petit se paie en vies brisées et en générations perdues: nous ne l’ignorons pas.
C’est parce que l’Europe sait tout cela qu’elle intensifie ses efforts pour soutenir l’Ukraine et défendre la démocratie. Je vais être claire: l’Union européenne est d’abord et avant tout un projet de paix, et elle le restera. Or, face à l’agression russe, nos efforts en faveur de la paix doivent s’accompagner d’un soutien continu et renforcé à l’Ukraine: il s’agit de mettre nos forces au service de la paix.
S’exprimant devant le Congrès en 1985, Margaret Thatcher avait déclaré: «Les guerres ne sont pas causées par l’accumulation d’armes. Elles se produisent lorsqu’un agresseur estime qu’il peut atteindre ses objectifs à un prix acceptable... Notre tâche est de faire en sorte que les agresseurs potentiels, d’où qu’ils viennent, comprennent clairement que la capacité et la détermination de l’Occident les priveraient de leur victoire en guerre et que le prix à payer serait intolérable.»
Elle avait raison. Une paix ferme, juste et durable ne pourra se faire sans coopération ni négociations avec, en leur centre, nos deux continents.
Voilà pourquoi ces dialogues sont importants. Tout comme le sont les relations transatlantiques ainsi que l’OTAN. Le président Ronald Reagan l’avait dit mieux que moi: «L’Alliance nord-atlantique est l’alliance la plus fructueuse de l’histoire. Alors que d’autres alliances ont été formées pour gagner des guerres, notre objectif fondamental est de prévenir la guerre et, dans le même temps, de protéger et d’étendre les frontières de la liberté.»
Aujourd’hui, l’OTAN continue de jouer un rôle crucial pour la sécurité de l’Europe, que ce soit par la lutte contre les attaques hybrides visant nos démocraties ou par le partage de renseignements critiques entre les gouvernements. Le sommet de l’OTAN du mois prochain sera un moment charnière en vue d’intensifier nos efforts et de consolider notre unité. L’architecture de sécurité de l’Europe doit être complémentaire et non concurrente de cette alliance.
Le fait est que, pendant trop longtemps, nous n’avons pas suffisamment dépensé en matière de sécurité. Nous comptions sur les autres. L’Europe ne ménage pas ses efforts pour corriger cette situation.
En tant que Présidente du Parlement européen, je suis fière du soutien accru que nous avons décidé d’apporter à l’Ukraine et à la sécurité de l’Europe grâce à la production de munitions, à des marchés publics conjoints et à la coopération industrielle. Nous avons établi une commission à part entière de la sécurité et de la défense. Les États membres de l’Union européenne réagissent également: depuis 2021, ils ont augmenté leurs budgets de défense de 31 %. Plusieurs d’entre eux ont atteint voire dépassé l’objectif de l’OTAN de consacrer 2 % du PIB à la défense. Nous sommes donc sur la bonne voie. L’Union européenne rationalise ses capacités de défense. Nous poursuivrons nos efforts en vue d’équilibrer notre contribution à la sécurité commune et de répondre au niveau élevé de menace auquel nous sommes confrontés. Et ce, dans notre intérêt à tous, car une Europe plus forte, ce sont des États-Unis plus forts, et vice versa.
Nous cherchons également à sécuriser l’Europe au-delà de ses frontières. Cela implique de travailler avec nos voisins pour renforcer la démocratie régionale et accroître la sécurité collective. À plusieurs reprises, le Parlement européen a demandé que l’Europe s’appuie sur la paix obtenue il y a 30 ans en accueillant les pays des Balkans occidentaux dans l’Union. De fait, le meilleur outil géopolitique pour renforcer l’Europe est l’élargissement. Et parce qu’une démocratie forte et résiliente doit être ambitieuse, notre action doit, dans une certaine mesure, être progressiste et porteuse d’une conception novatrice de l’avenir.
Voici donc le message que je vous adresse, un message européen que je transmettrai aussi demain à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN: travaillons ensemble pour la paix et la démocratie. Car les démocraties sont menacées et les peuples qui peuvent choisir leurs dirigeants sont moins nombreux que ceux qui ne le peuvent. Et parce que les démocraties sont menacées, lorsqu’elles tiennent leurs engagements, elles en sont renforcées. La même philosophie doit guider notre approche au Moyen-Orient.
Nous devons agir de concert avec le courage, la conviction et le leadership qui ont caractérisé notre action ici même, il y a 30 ans. En ce moment décisif, il nous faut avancer ensemble, et non pas reculer vers un isolationnisme clivant. Nous devons développer cette belle et grande relation transatlantique qui protège les valeurs démocratiques auxquelles nous tenons. Nous devons rester unis. Il n’y a pas d’autre choix, même si nous avons parfois l’impression qu’il nous faudrait deux navires bien arrimés pour continuer à aller de l’avant ensemble.
Mesdames et Messieurs, il y a 30 ans, à Dayton, nos deux continents se trouvaient à la croisée des chemins. Ils ont choisi la diplomatie, la démocratie et la paix. Aujourd’hui, il n’y a qu’une seule voie à suivre: aller de l’avant, ensemble.
Je vous remercie.