Lors de la Conférence de Riga en Lettonie, la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a souligné qu’il s’agissait du moment pour l’Europe de garantir sa sécurité « quoi qu’il en coûte ».
Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames les ambassadrices, Messieurs les ambassadeurs, chers invités, Chers collègues, chers participants, chers députés au Parlement européen, Mesdames et Messieurs, Merci de m’avoir invitée parmi vous aujourd’hui. Notre présence ici, en Lettonie, à ce moment critique de notre histoire, est importante. La géographie de la Baltique a beaucoup à nous dire. À l’ouest, les incidents en mer Baltique se multiplient. À l’est, les voisins se montrent de plus en plus agressifs. Le corridor de Suwałki est l’un des lieux les plus sensibles au monde. Ici, en Lettonie, vous savez ce que c’est que de vivre aux frontières de la liberté. Vous vous souvenez de ce qui pourrait se passer. De ce qui s’est déjà passé. Je le concède à tous les députés lettons: nous aurions dû vous écouter plus tôt. Depuis des années, la Lettonie, l’Estonie, la Lituanie, la Pologne et la Finlande nous ont avertis de ce qui nous attendait. Après l’annexion de la Crimée, après les campagnes de désinformation orchestrées par le Kremlin pour semer la discorde au sein de nos sociétés, vous nous avez mis en garde contre les attaques hybrides visant des infrastructures critiques – nous en avons encore connu une la semaine dernière. Vous avez continué de nous avertir de ce qui se passait pendant les exercices militaires Zapad – en 2017, en 2021. Les exercices militaires conjoints de la Russie et de la Biélorussie qui ont eu lieu il y a quelques semaines prouvent que la Russie cherche toujours à nous intimider. Et vous nous avez mis en garde contre le renforcement des troupes russes avant leur invasion illégale de l’Ukraine. Vous saviez très bien à qui nous avons affaire. Et vous savez très bien comment nous devons réagir aujourd’hui. Nous pouvons réellement dire que le centre de gravité politique de l’Europe s’est déplacé vers l’est. Il y a un mois à peine, un drone militaire russe a été découvert dans l’est de la Lettonie. Depuis lors, des drones ont été aperçus en Pologne, en Roumanie, au Danemark et en Allemagne, et des avions de combat russes ont pénétré dans l’espace aérien estonien. Ce ne sont pas des incidents isolés. Ces provocations atteignent un niveau inédit et se déroulent sur terre, en mer et désormais dans les airs. J’ai pu le constater par moi-même lors de ma dernière visite à Kiev, où j’ai vraiment pu voir comment les drones sont devenus la principale arme de guerre. Et je pense que tout cela doit enfin pousser l’Europe à se mobiliser. Nous ne pouvons pas nous permettre de refaire les erreurs du passé. L’Europe doit prendre en mains sa propre sécurité. Nous devons consolider nos capacités de défense, renforcer notre interopérabilité et, surtout, nous devons être mieux préparés. Je suis heureuse (et peut-être même un peu soulagée) de pouvoir dire que cette prise de conscience commence à se répandre. Depuis 2021, les dépenses de l’Union européenne en faveur de la défense ont augmenté de plus de 30 %. Et plus tôt cette année, les membres de l’OTAN se sont engagés à porter leurs budgets de défense à 5 % de leur PIB, ce qui aurait été impensable il y a encore un an. Toutefois, l’argent à lui seul ne suffira pas à renforcer notre sécurité. Pas si nous continuons à travailler séparément et que nos efforts se chevauchent constamment. Pas si nous échouons à mettre en commun notre planification et notre développement et à regrouper nos achats. L’Europe fonctionne encore comme 27 systèmes séparés, qui utilisent 178 systèmes d’armes différents. À titre de comparaison, les États-Unis en ont une trentaine. Avec une telle fragmentation, nous pouvons produire toutes les munitions que nous voulons, et nous pouvons nous soutenir mutuellement avec tous les équipements militaires possibles; si nos systèmes sont incompatibles ou si nos forces armées ne sont pas formées à les utiliser correctement, tous nos efforts risquent d’être vains. C’est ce qui nous ralentit et c’est ce qui entraîne une hausse des coûts. C’est la raison pour laquelle le Parlement européen continue d’insister – pour laquelle moi et mes collègues, notamment les députés lettons, continuons d’insister – sur la nécessité d’une meilleure coordination, d’une plus grande cohérence et d’un système unique au sein duquel mener nos activités. C’est de cette manière que doit être conçue une véritable architecture de sécurité européenne. On nous demande souvent ce que nous entendons par «architecture de sécurité européenne». C’est précisément cela. Une architecture qui mette en commun nos capacités militaires, industrielles, politiques et numériques. Qui nous permette d’agir plus rapidement, d’avoir plus de poids et de nous exprimer d’une seule voix. N’interprétez pas mal mes propos: l’OTAN est et sera toujours l’épine dorsale de notre défense territoriale collective. Et le partenariat qui nous lie aux États-Unis est unique. Personne ne remet cela en question. Dans ce monde dangereux, je pense qu’il est plus (et non pas moins) logique d’approfondir les partenariats avec des partenaires partageant les mêmes valeurs, tels que le Canada et le Royaume-Uni. Je l’ai dit récemment aux dirigeants présents lors de la réunion de la Communauté politique européenne au Danemark. Je voudrais également profiter de l’occasion pour mettre en lumière le rôle indispensable de la Lettonie et des États baltes dans l’Alliance atlantique. Je sais à quel point votre engagement est important, et je me réjouis de pouvoir exprimer mon soutien plein et entier, ainsi que celui du Parlement européen, en faveur de notre flanc oriental, et notamment des efforts visant à renforcer la sécurité en mer Baltique, lors de ma visite du camp d’Ādaži avec la Première ministre Evika Siliņa plus tard dans la journée. Et pourtant, l’Union européenne a un rôle à jouer. Et ce rôle est de plus en plus important, en matière de gestion des crises, de résilience face aux cybermenaces et aux menaces hybrides, de dissuasion stratégique et de renforcement des capacités de défense. Non pas en dupliquant ce qui existe déjà, mais en le renforçant. En construisant un pilier européen solide au sein de l’alliance et en renforçant l’alliance dans son ensemble. En mettant la force au service de la paix. En unissant nos forces. En appliquant la fameuse devise européenne: «un pour tous, tous pour un». C’est cela, l’Europe. C’est pourquoi le Parlement européen a pris des mesures avec une rapidité sans précédent pour adopter une législation qui contribuera à réaliser des économies d’échelle en harmonisant la planification et les marchés publics en matière de défense dans toute l’Europe. Et nous sommes à deux doigts de parvenir à un accord avec les États membres sur le programme pour l’industrie européenne de la défense. Ce programme visera à simplifier les processus, à supprimer les obstacles et à soutenir la capacité de notre industrie de la défense à assurer des livraisons rapidement, parallèlement à la base industrielle ukrainienne. Nous nous efforçons à présent de donner aux États membres une plus grande souplesse dans l’utilisation des fonds de l’Union afin qu’ils puissent investir dans des projets à double usage, notamment dans le domaine de la technologie des drones. Lors de ma visite à Kiev, le président Zelensky a une fois de plus été très clair: l’Ukraine dispose à la fois d’une expérience sur le terrain et des capacités industrielles pour accroître la production de drones. Ce qu’il lui manque, en revanche, c’est le financement. La Lettonie étant à la pointe dans ce domaine, je sais que vous êtes conscients des retombées de ce type de financement. Ce type de soutien permet de renforcer la défense de l’Ukraine, mais aussi la préparation de l’Europe. Et c’est précisément pour cela que nous soutenons également le financement des biens à double usage dans les discussions sur le prochain budget à long terme de l’Union. Mesdames et Messieurs, J’ai beaucoup parlé de ce que fait le Parlement européen et de ce que je pense nécessaire pour rendre nos systèmes de défense plus forts et plus résilients. Pour construire un écosystème de sécurité qui protège notre territoire et notre population. Mais rien de tout cela n’aura d’importance si la guerre en Ukraine ne reste pas au premier rang de nos priorités. Chacun d’entre nous a un rôle à jouer pour lutter contre la lassitude face à la guerre. Nous pouvons être en désaccord sur de nombreux points, mais une chose est sûre: en mettant un terme à l’achat de gaz et d’énergie russes, nous attaquerons le cœur même de la machine de guerre russe. Nous le ferons, et plus vite que prévu. Et nous nous tournerons vers nos alliés et nos partenaires. Nous pouvons être fiers des progrès accomplis par les États membres pour prendre leurs distances avec l’énergie russe. Nous devons aller encore plus loin. Bien entendu, l’élimination progressive de nos dépendances doit être planifiée. Mais les raisons qui nous ont retenus pendant tant d’années sont très loin d’être insurmontables. Cela vaut également pour les avoirs russes gelés. En fin de compte, tous ces efforts – unir nos forces et réellement faire ce que nous jugions impossible il y a deux, trois, quatre, cinq ans – visent à maintenir une véritable paix. Et je dirais que, d’une certaine manière, c’est une surprise pour nous. En tant que représentants politiques, en tant qu’élus, lorsqu’on nous demandait: «qu’entendez-vous par la paix?», c’est une chose que nous tenions pour acquise. C’est une question qu’on ne m’a jamais posée lorsque mon pays a rejoint l’Union européenne en même temps que votre pays. Nous nous intéressions à la stabilité économique, à la manière dont Malte se développerait au sein d’un groupe stratégique d’États membres qui partagent des valeurs et des projets communs. Mais ce que nous avons peut-être oublié, c’est que l’Union européenne est, en son cœur même, un projet de paix, et que la paix demande des efforts. Ainsi, lorsqu’hier, après 733 longues nuits, un accord devant mener à la libération des derniers otages et à un cessez-le-feu à Gaza a enfin été trouvé, nous nous en sommes réjouis. Il s’agit d’un moment de paix et de renouveau pour le Moyen-Orient. Cet accord pourrait enfin mettre un terme au cycle intergénérationnel de violence, de souffrance et de terreur qui ravage la région. Il doit être respecté et pleinement mis en œuvre. La paix n’est jamais facile: elle nécessite des décisions difficiles, parfois inconfortables, mais nécessaires. Qu’il s’agisse de jouer un rôle constructif dans la mise en œuvre de l’accord de paix de Gaza, de se tenir aux côtés de l’Ukraine et de défendre fermement le principe qui veut que rien ne soit décidé sur l’Ukraine sans l’Ukraine, de faire de l’élargissement fondé sur le mérite une priorité stratégique géopolitique claire, de soutenir la démocratie et de lutter contre l’intimidation russe dans notre voisinage (les résultats des élections en Moldavie étaient encourageants mais, soyez-en sûrs, l’histoire est loin d’être terminée), ou, comme je l’ai dit aujourd’hui au début de cette courte allocution, de pousser l’Europe à prendre en mains sa propre sécurité, nous devons passer au niveau supérieur en matière de défense. Ici, la Lettonie vient d’envoyer au monde un signal clair de sa détermination. Pour la première fois dans votre histoire, vous serez membre du Conseil de sécurité des Nations unies. Au nom du Parlement européen, je vous adresse tous mes vœux de succès et je me réjouis d’être à vos côtés pour défendre ces priorités communes. Le moment est venu de garantir la sécurité de l’Europe à tout prix, et nous comptons sur la Lettonie pour continuer à nous montrer la voie. Je vous remercie.