C’est le moment de raviver la force de l’alliance transatlantique » — la Présidente Metsola à Washington D.C.  

 

C’est le moment de raviver la force de l’alliance transatlantique » — la Présidente Metsola à Washington D.C.  

Washington  
 
 

« C’est le moment de réaffirmer notre cap. De raviver la force de l’alliance transatlantique pour qu’elle soit une force de changement positif dans la vie des citoyens. Une force au service de la paix et de la prospérité. » C’est ce qu’a déclaré la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, lors de son discours devant les étudiants de l’Université Georgetown à Washington D.C., aux États-Unis.

       

Permettez-moi de vous dire à quel point je suis heureuse d’être ici. J’ai toujours admiré cette grande université et l’engagement qui a été le vôtre, au cours des 236 dernières années, à rendre notre monde commun un peu meilleur. J’admire votre engagement envers la communauté. Vous encouragez le changement et formez les acteurs du changement: les jeunes femmes et les jeunes hommes qui deviennent adultes sur ce campus et qui comprennent la valeur du service rendu aux autres – que ce soit en politique, en médecine, dans les arts ou les affaires, en diplomatie, dans le sport, en philosophie ou dans le monde universitaire.
 
Cette université fondée par les jésuites n’est pas seulement une institution américaine, mais aussi un emblème mondial de la liberté de pensée.
 
Ce sont les années formatrices passées à étudier dans mon pays et ailleurs qui m’ont inculqué la passion du changement. Elles m’ont fait comprendre qu’aucun d’entre nous n’est un spectateur passif, et qu’on n’est jamais trop peu nombreux ou trop isolé pour faire une réelle différence. Il s’agit de l’idée, peut-être démodée, du devoir envers une cause plus grande que soi.
 
Cette idée, je l’ai mise en pratique grâce à la politique. Pour moi, c’était le meilleur vecteur pour promouvoir le changement. Ce n’est pas le seul, mais malgré les débats éprouvants, les scandales et les regards critiques, je suis là pour vous dire que cela reste une noble cause. J’espère que certains d’entre vous franchiront le pas et s’engageront, aussi difficile que cela puisse paraître. Alors, si vous devez retenir une seule chose de mon discours d’aujourd’hui, que ce soit celle-ci: vous êtes la prochaine génération de la démocratie, et vous n’êtes pas là pour rester sur la touche. Soyez des fers de lance et défendez vos convictions.
 
Cela n’est pas toujours facile. Il vous faudra affronter des critiques, parfois justifiées, parfois moins. Les gens écriront souvent des choses horribles en ligne. Et pour les femmes, inévitablement, c’est encore plus difficile. Mais le combat en vaut la peine. De plus en plus de pressions pèsent sur la voie que nous avons choisie, et nous compterons sur vous pour reprendre le flambeau qui nous a été transmis.
 
En 1988, juste devant ce bâtiment, sur le Healy Lawn, le président Reagan a prononcé un discours sur l’importance de la liberté, «premier principe de la société», en s’adressant aux «millions de personnes qui vivent encore sous le joug du communisme».
 
En Europe, des millions de personnes vivant sous ce joug l’ont entendu. Elles ont cru en une voie meilleure. Elles se sont tournées vers les États-Unis et ce qui était alors l’Europe occidentale. Ces paroles ont résonné dans le monde entier et ont été entendues par les habitants des pays baltes, de l’Allemagne de l’Est, de la Pologne, de la Hongrie, et par tant d’autres qui voulaient que leurs enfants vivent libres. Une idée aussi ancienne que cette nation, mais qui parle à toutes les âmes.
 
Un an plus tard, ce joug s’est effondré et des millions d’Européens ont été libérés. Je me souviens avoir regardé, sur la petite télévision de ma grand-mère, la chute du mur de Berlin. Puis, à peine un mois plus tard, alors que faisait rage la pire tempête depuis une génération, le président Bush a rencontré le président Gorbachev à Malte, mon pays, pour mettre officiellement fin à la guerre froide. Cette paix, que beaucoup jugeaient impossible pendant des décennies, a été trouvée au beau milieu de la Méditerranée, sur une île de 27 km de long et 14 km de large. Pensez-y, la prochaine fois que vous croirez ou qu’on vous dira que vous êtes trop petit pour compter.
 
C’est l’état d’esprit dont nous avons besoin aujourd’hui.
 
J’appartiens à la dernière génération à avoir connu ce monde, un monde où la démocratie n’était pas acquise. Beaucoup d’entre vous ont grandi en ne connaissant que la paix et, plus généralement, la prospérité. Peut-être en sommes-nous venus à penser un peu trop facilement, voire avec complaisance, que notre modèle de société libre et ouverte était éternel, que nous avions remporté la bataille idéologique décisive de notre époque. Peut-être avons-nous laissé les choses aller trop loin, convaincus qu’il n’y aurait pas de retour en arrière. Peut-être avons-nous oublié les leçons de l’histoire.
 
Et puis le 24 septembre 2022 est arrivé, et les chars russes sont entrés dans un pays libre – l’Ukraine. Ce jour-là, notre ordre international a été mis à mal, et notre sentiment de sécurité a été ébranlé. L’invasion de l’Ukraine a marqué un tournant générationnel. Nous avons compris que les liens économiques que nous avions tissés et qui devaient nous protéger ne l’avaient pas fait. Nous étions vulnérables. Notre mode de vie était menacé. C’est cela qui était attaqué. Et l’Ukraine est devenue notre ligne rouge. En Europe, la privation de liberté fait toujours partie de nos mémoires. Nous savons ce qui est en jeu, et nous nous lèverons pour relever ce défi, afin de garantir la liberté et la paix. La paix véritable et non l’assujettissement, ni une paix qui ouvre la voie à une bataille encore plus sanglante à l’avenir.
 
Aujourd’hui, nos démocraties sont une fois de plus appelées à défendre ensemble cette paix si difficile. Une paix qui nécessite un leadership. L’Amérique et l’Europe ont maintes fois prouvé que la paix et le progrès exigent la coopération, que la liberté et la justice ne sont pas seulement des idéaux, mais aussi des responsabilités partagées. Notre avenir commun s’appuie sur la force de cette relation transatlantique. Et notre engagement commun en faveur de la paix en Ukraine est un test décisif pour la solidité durable de notre mode de vie et des valeurs qui nous sont chères. Pour moi, il s’agit du test de notre génération politique.
 
Le lien qui nous unit n’est pas seulement géographique et historique: il est foncièrement logique. Nous devons travailler ensemble pour trouver des solutions communes aux problèmes communs et aux exigences très semblables auxquelles nos démocraties sont confrontées.
 
Des deux côtés de l’Atlantique, les citoyens souhaitent les mêmes choses: un logement abordable, la sécurité, la sûreté, des emplois stables et l’espoir d’un avenir meilleur pour leurs enfants. C’est à nos démocraties, à tous ceux et à toutes celles qui se présentent à une élection, de répondre à ces demandes. Personne ne le fera à notre place. Car en fin de compte, pour que la démocratie fonctionne, elle doit apporter des solutions aux véritables problèmes des citoyens. Sans cela, il ne faut vraiment pas s’étonner que les gens se réfugient dans les extrêmes et les marges, qui n’apportent que de fausses réponses à des questions impossibles.
 
Ceux d’entre nous qui sont en position d’influence ont l’obligation, et même le devoir, de tenir la promesse faite il y a une génération. Sur nos deux continents et au-delà, de plus en plus de personnes remettent en cause la démocratie. En vaut-elle la peine? Vais-je voter? Nombreux sont ceux qui décident de ne pas se rendre aux urnes ou qui votent contre quelque chose plutôt que pour quelque chose. Nous devons répondre à cela en prenant les décisions audacieuses qui apporteront les changements souhaités par les citoyens. Nous devons leur montrer que notre voie démocratique commune est la bonne façon, voire la seule, de construire un avenir meilleur pour tous.
 
Mais en vérité, il est beaucoup plus facile de séduire par un discours extrémiste.  C’est pourquoi il nous appartient de mettre tout en œuvre pour renforcer le centre politique. Pour nous tenir aux côtés de ceux qui veulent bâtir, et non détruire. Pour montrer que nous avons les réponses même aux questions les plus difficiles, que, oui, le compromis en vaut la peine, et que nous préférons inclure chaque citoyen plutôt que d’en rejeter certains.
 
Notre manière de procéder doit donner plus rapidement de meilleurs résultats si nous voulons qu’elle reste le moteur politique de cette génération. Nous ne pouvons ignorer la réalité et partir du principe que les gens iront voter au seul motif que c’est ce qu’ils ont toujours fait ou qu’ils suivent la voie de leurs parents. Nous devons contre-argumenter et réfuter les propos des extrémistes par des faits. Par des mesures qui trouvent leurs racines dans nos valeurs communes. Nous devons contredire leur discours, et non pas l’ignorer.
 
Cela signifie que le centre doit non seulement résister, mais aussi se montrer à la hauteur. Cela s’avère de plus en plus difficile, ainsi devons-nous nous améliorer. Les partis marginaux et les extrêmes gagnent en popularité, ce qui menace notre mode de gouvernance. Nous devons avoir l’honnêteté de le reconnaître. Et la menace se concrétisera si le centre ne parvient pas à obtenir de véritables résultats. Nous devons prendre le taureau par les cornes, même si la tâche est ardue et semble insurmontable, et ne jamais sous-estimer à quel point tout cela est fragile. C’est en notre pouvoir, mais il nous faut être plus rapides, faire mieux et agir ensemble.
 
L’ordre international dont nous bénéficions tous, qui fait tourner nos économies et avancer nos sociétés, a été construit sur une base collaborative, et non individuelle. C’est la raison pour laquelle nos relations et notre partenariat transatlantiques sont importants. C’est pourquoi l’Amérique d’abord ne peut pas devenir l’Amérique seule. Et je dois dire que j’ai vraiment été encouragée par mes réunions à Capitol Hill cette semaine. J’ai vu une réelle différence entre nos relations il y a quelques mois et aujourd’hui.
 
Les échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Union européenne s’élèvent actuellement à 1 700 milliards de dollars par an. Depuis que nous avons conclu un accord commercial cet été, nous avons connu une reprise économique et les entreprises de part et d’autre de l’Atlantique ont pu bénéficier de nouvelles possibilités et d’une sécurité rétablie. Mais cet accord n’est qu’une étape, et il reste encore beaucoup à faire.
 
Nous devons consentir bien plus d’efforts pour rendre la vie des citoyens des deux côtés de l’Atlantique plus facile, plus prospère et plus sûre et pour que nos économies soient à leur service. En Europe, il nous faut absolument rendre notre législation plus claire, plus simple et plus facile à appréhender.
 
Lors de ma visite ici, j’ai pu discuter avec des patrons d’entreprises américains et européens dont les activités s’étendent outre-Atlantique. Les uns m’ont dit que leur entreprise avait besoin de croître en Europe, les autres que leur activité devait se développer aux États-Unis. Les deux sont possibles simultanément, sans que cela ne se fasse au détriment les uns des autres.
 
Le message que je leur adresse est invariablement le même: l’Europe est ouverte aux affaires. Parce qu’une économie européenne plus forte profite à tous. Tout le monde peut avoir à y gagner. Une économie européenne renforcée garantit nos économies ouvertes. Elle répond également de nos filets de protection sociale qui font notre fierté. Pour nous, tout le monde en ressort gagnant.
 
Il nous reste encore beaucoup à accomplir. L’Europe doit faire davantage pour simplifier la vie des citoyens et non la compliquer. Mais il importe de noter que tant l’économie des États-Unis que celle de l’Union européenne vont dans la bonne direction.
 
Nous ne sommes pas d’accord sur tout des deux côtés de l’Atlantique. On n’en attendrait d’ailleurs pas moins de la part d’alliés attachés à la liberté de pensée. Mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne pouvons pas coopérer ni apprendre les uns des autres et de nos façons de faire. Parce qu’en fin de compte, de part et d’autre de l’Atlantique, nous œuvrons à ce que les technologies de l’avenir, telles que l’intelligence artificielle, soient au service de la démocratie et ne lui portent pas atteinte. Ce sont là des domaines dans lesquels nous devrions collaborer, et non pas aller dans des directions opposées. Quelqu’un m’a dit que la prochaine bataille porteuse de transformation à laquelle nous devrons faire face est celle qui opposera l’IA démocratique à l’IA autocratique, par exemple. Je suis convaincue que nous sommes du même côté sur les grandes questions.
 
Nous devons montrer que notre approche démocratique, forte de son centre, aussi ennuyeux soit-il, peut être à l’origine de changements et que nous pouvons assurer la paix.
 
En tant qu’Américains et Européens, nous chérissons la paix. Nous savons le sacrifice trop souvent nécessaire pour l’obtenir. Notre histoire, l’histoire de nos familles, de part et d’autre de l’Atlantique, est marquée par les sacrifices de ceux qui ont tout donné pour que la liberté l’emporte sur la tyrannie. Comme l’a dit un ancien étudiant de cette université, le président Clinton: «Des générations d’Américains ont compris que la liberté et la stabilité de l’Europe sont vitales pour notre propre sécurité nationale». Son affirmation reste valable aujourd’hui.
 
Cela signifie que les Européens doivent prendre conscience du fait qu’ils doivent jouer un rôle plus important dans leur propre défense. Il est vrai que nous avons parfois du mal à nous adapter aux incessantes évolutions géopolitiques avec la rapidité et l’agilité requises. Mais là aussi, les changements vont bon train. Nous le constatons tous les jours. Nous mettons tout en œuvre pour atteindre le nouvel objectif convenu dans le cadre de l’OTAN de consacrer 5 % du PIB à la défense. L’année dernière, les dépenses de défense des États membres de l’Union ont atteint des niveaux jamais vus. Dans le même temps, nous nous efforçons d’accroître l’interopérabilité de nos systèmes de défense et d’accélérer la production. Nous savons que ces mesures sont nécessaires pour faire triompher la paix et la maintenir.
 
Sécurité, prospérité et progrès partagés... tels doivent être les maîtres mots de notre feuille de route pour faire en sorte que nos démocraties tiennent leurs promesses. Pour produire des résultats que les citoyens peuvent comprendre, voir et ressentir chaque jour.
 
J’ai essayé d’être franche quant aux défis à venir. Mais je crois qu’en tant qu’alliés proches, nous pouvons les surmonter et nous y parviendrons. Que la démocratie, malgré tous ses défauts et ses insuffisances, mérite d’être défendue. Et que notre voie démocratique peut demeurer la force motrice dont ce monde a besoin. Votre génération peut encore considérer la politique comme le vecteur du changement.
 
Je vous remercie de votre attention.