Lorsque que nous agissons de concert, nous détenons le pouvoir de changer le cours de l’Histoire - Présidente Metsola à New York  

 

Lorsque que nous agissons de concert, nous détenons le pouvoir de changer le cours de l’Histoire - Présidente Metsola à New York  

New York  
 
 

S'adressant au Council on Foreign Relations à New York, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a déclaré que le lien transatlantique était plus essentiel que jamais. « Lorsque nous agissons de concert, nous détenons le pouvoir de changer le cours de l’Histoire. Et nous pouvons, une fois encore, y parvenir », a déclaré la présidente Metsola.

       

Je remercie le Council on Foreign Relations de m’avoir invitée aujourd’hui, et de continuer à soutenir, encore et toujours, un débat ouvert et éclairé.

Je commencerai par répondre à la question qu’on me pose le plus souvent à chaque fois que je viens: le Parlement européen est profondément attaché au renforcement du lien transatlantique. Nous partageons une histoire, nos valeurs communes ont façonné le monde, et nos perspectives pour l’avenir doivent rester identiques. 

Il n’y a pas si longtemps, je n’aurais pas eu à faire une telle déclaration. C’était un acquis, une chose si évidente qu’elle méritait à peine d’être mentionnée. Mais le monde a changé. Ce que nous considérions comme acquis est remis en question. Les vérités que nous pensions évidentes font l’objet de débats. Les signes sont là et nous devons être prêts à les aborder de front.

Dans le monde entier, nous continuerons à voir des hommes forts remettre en question des élections sans équivoque. Nous constatons que des institutions fiables sont considérées par certains comme un obstacle plutôt que comme une valeur. Que certains qualifient de faiblesses le multilatéralisme et la coopération, alors que nous savons que ce sont des forces. 

La trajectoire qui a guidé l’Occident et nos relations transatlantiques tout au long de ces 80 dernières années est en train d’évoluer. Or, il n’est pas question de pratiquer la politique de l’autruche.

Au contraire, nous devons nous lever pour démontrer en quoi la démocratie peut apporter des changements concrets pour ceux qui se sentent déconnectés, privés de leurs droits et déçus par la politique. C’est en partie le rôle que doit jouer le Parlement européen, que je préside, dans le monde d’aujourd’hui. Votre Congrès est confronté au même problème. C’est un défi que nous comprenons et que nous sommes déterminés à relever. 

Parce que la vérité, c’est que la majorité des gens vivent dans un pays où ils ne peuvent pas choisir leurs dirigeants, plutôt que dans un pays où ils peuvent le faire. De nos jours, seul un quart de la population mondiale vit en démocratie, le taux le plus bas en un demi-siècle. C’est cela, la réalité.  

Après la chute du mur de Berlin, nous pensions que la démocratie libérale avait gagné. Peut être étions-nous trop confiants, trop sûrs de nous? Nous pensions que la démocratie n’avait plus besoin d’être défendue. Quelque part, nous étions passés à autre chose.

Surtout, je pense que nous avons cessé d’y sensibiliser les gens malgré le niveau d’urgence. 

Mais lorsque le 24 février 2022, les chars russes ont envahi l’Ukraine, un pays souverain et indépendant, cette illusion a volé en éclats. Elle est devenue existentielle.

Cet événement nous a rappelé de façon brutale que la paix ne peut jamais être considérée comme acquise et que la liberté doit être défendue. Que si nous ne défendons pas notre mode de vie, d’autres interviendront avec une toute autre vision fondée sur un ensemble de valeurs très différentes.

Pour nous, ce jour-là a tout changé. Et l’Europe et les États-Unis ont répondu d’une seule voix.

Mais si la date du 24 février a été un moment d’unité, elle a aussi marqué un signal d’alarme très fort. Depuis trop longtemps, l’Europe comptait sur d’autres pour assurer sa propre sécurité. Sur l’Amérique. Cela est en train de changer.

Depuis 2021, les dépenses de défense de l’Union européenne ont augmenté de plus de 30 %. Presque tous les États de l’Union qui font partie de l’OTAN remplissent désormais l’objectif de 2 % du PIB, et beaucoup d’entre eux sont déjà allés au-delà. Pas plus tard que la semaine dernière, les ministres de la défense de l’OTAN sont convenus de s’efforcer d’atteindre l’objectif de 5 % du PIB, avec 3,5 % pour les dépenses essentielles en matière de défense et 1,5 % pour les infrastructures et la résilience. 

Régulièrement, nous demandons aux Européens des 27 pays leur avis sur la direction que nous prenons, sur les domaines où ils estiment que nous devrions faire plus ou faire moins, et sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Aujourd’hui, dans la dernière enquête que nous avons menée, le résultat est clair: les deux tiers des Européens souhaitent que l’Union européenne joue un rôle plus important dans leur protection. Et au Parlement européen, nous répondons en encourageant la passation conjointe de marchés dans le domaine de la défense, en investissant dans les capacités industrielles et en réduisant les formalités administratives. Il ne s’agit pas de reproduire l’OTAN, mais de le renforcer. Parce que nous savons qu’une Europe plus forte signifie une alliance plus forte.

Chacun sait, aujourd’hui, que la sécurité ne se limite pas à des armes. Il s’agit de lutter contre la désinformation, les ingérences étrangères et l’érosion délibérée de la confiance. Ces aspects font désormais partie de notre réalité quotidienne. 

La désinformation est l’une des menaces les plus graves auxquelles nous sommes confrontés. Elle sape la confiance dans nos institutions et aggrave les divisions. Et elle devient plus intelligente. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de devenir nous aussi plus intelligents. C’est pourquoi le travail des organisations telles que le Council on Foreign Relations est important, pas uniquement pour orienter le débat, mais aussi pour nous permettre d’y voir clair et de remettre en question nos idées reçues.

Mais il va de soi que la politique ne peut se limiter à la gestion des menaces. Elle doit également être porteuse d’espoir, pour ceux qui vivent encore sous l’oppression, qui voient en l’Union européenne et les États-Unis des symboles de liberté.

Le Parlement européen a toujours été le porte-parole de ceux qui croient en la capacité de l’Europe à changer la vie. Il n’a jamais été question de nous rendre tous pareils, mais de créer des opportunités et un sentiment commun d’appartenance. Et nous nous accordons sur la conviction que c’est ce même esprit qui doit nous guider aujourd’hui.

Nous avons fièrement défendu l’humanité, mais nos efforts ne nous ont pas toujours donné satisfaction comme nous l’aurions souhaité. Cela est vrai pour de nombreux responsables politiques en Europe, aux États-Unis et dans le monde. En particulier lorsque nous considérons le Proche-Orient d’après le 7 octobre.

Il est facile de comprendre l’impuissance, la colère, le chagrin et la douleur que ressentent tant de personnes. Ce sentiment d’horreur est bien réel. Et nous ne pouvons absolument pas laisser se creuser le fossé entre les réponses que réclament ces personnes et les solutions que la politique peut offrir.

Il n’est pas toujours facile d’expliquer les petites mesures, parfois douloureuses, que nous prenons pour sauver des vies. Que nous sommes le premier fournisseur d’aide humanitaire. Que l’Union, par l’intermédiaire de sa courageuse mission d’assistance à la frontière (EU BAM), a joué un rôle essentiel pour soutenir le dernier cessez-le-feu et évacuer de Gaza tant d’enfants malades et blessés.

Nous devons nous exprimer plus clairement sur ce que nous pouvons faire pour arrêter les bombes. Sur l’urgence de faire parvenir davantage d’aide à Gaza et d’en garantir la distribution. Sur les otages – dont des ressortissants de l’Union – toujours détenus par le Hamas. Sur le rôle de l’Iran. Sur la montée de l’antisémitisme, partout. Sur les nouvelles vagues d’extrémisme auxquelles nous assistons. Sur ce qui se passera le jour suivant, sur la reconstruction et sur la nécessité de soutenir les dirigeants légitimes tout en démantelant le Hamas et en apportant la sécurité à Israël.

La paix n’est pas un concept abstrait. On nous demande souvent: qu’entendez-vous par la paix? À quoi pensez-vous lorsque vous utilisez le mot «paix»? Parfois d’une manière qui ne mène pas à la paix. La paix ne fonctionne que si elle est plus désirable que la guerre. Et nous devons montrer aux citoyens que la paix n’est pas seulement possible, mais aussi qu’elle est souhaitable. L’espoir est la meilleure force contre la radicalisation.

Pour nous, une solution à deux États qui offre cette perspective est la voie à suivre. C’est ce que le Parlement européen a toujours réclamé. Nous savons que le Hamas ne pourra jamais en faire partie. Il ne propose qu’un bain de sang et non des solutions. C’est pourquoi nous avons toujours veillé à ne pas assimiler les terroristes du Hamas avec l’ensemble des Palestiniens.

En ma qualité de Présidente du Parlement européen, je me suis rendue à Kfar Azar, l’un des kibboutz qui a perdu tant de ses habitants. Je suis allée sur le site du festival Nova, où des corps gisaient encore sur le sol. Je suis entrée dans Gaza avec nos camions d’aide humanitaire, alors que nous plaidions en faveur d’une aide accrue. Je me suis assise avec des Israéliens à Jérusalem et avec des Palestiniens à Ramallah. J’ai pleuré avec des otages qui avaient été libérés, et serré dans mes bras les proches de ceux qui n’avaient pas pu être libérés. J’ai serré dans mes bras des adolescents qui avaient vu leur foyer détruit et leurs amis tués.

Il existe des gens qui veulent trouver des solutions, et je suis fière que le Parlement européen soit de ceux-là. Nous serons toujours un lieu de dialogue qui rassemble les personnes, et nous sommes prêts à jouer ce rôle encore maintenant.

Ce ne sont pas des «J’aime» sur Facebook ni des «retweets» qui nous apporteront les réponses dont nous avons besoin, mais des efforts sans relâche, le dialogue et la diplomatie.

Et même avec cela, nous pouvons échouer. Mais s’il existe ne serait-ce qu’une chance – même ténue – que nos efforts aboutissent, ce serait manquer à nos devoirs que de ne pas essayer. C’est pour cette raison que je fais de la politique, pour saisir ces chances.

Il y a deux semaines, j’étais dans l’Ohio, à Dayton, à l’occasion des 30 ans des accords de Dayton, un anniversaire qui nous rappelle ce que l’Europe et l’Amérique peuvent réaliser ensemble, lorsque les gens prennent vraiment des risques. Mais cet événement a également mis en évidence que le fossé séparant les citoyens de la politique ne cesse de s’élargir.

Beaucoup ont perdu la foi. Ils veulent du changement. Et lorsque les courants politiques traditionnels échouent à apporter des réponses, les citoyens commencent à regarder ailleurs.

Cette désillusion n’est pas propre aux États-Unis. Elle grandit aussi en Europe. Voici juste un an que se sont déroulées les élections européennes, au cours desquelles nous avons été élus, nous, les 720 députés au Parlement européen. Lors de ces élections, ce que nous appelons le «centre politique» s’est maintenu, mais de justesse. Les électeurs sont inquiets, et ils ont raison de l’être. C’est à nous de montrer que la démocratie fonctionne – pas seulement le jour des élections, pas seulement en principe, mais dans la pratique.

Il s’agit de tenir nos promesses. En particulier envers les jeunes. Ils n’ont pas connu la guerre froide. Ils ne posent pas de questions abstraites. Les questions qu’ils posent sont très concrètes, elles concernent leur avenir: comment trouver un emploi? Comment me loger à un prix abordable? Comment construire ma vie? 

Et si notre système politique n’apporte pas de réponses crédibles à ces questions, de vraies solutions réalisables, alors aucun discours ne pourra les convaincre que la réponse se trouve dans la démocratie.

C’est pourquoi je dirais, en conclusion, que ce lien transatlantique – qui nous relie, auquel nous tenons, que nous chérissions, auquel nous avons cru, aveuglément, pendant toutes ces années – compte plus que jamais.

Parce que oui, nous sommes les deux plus grandes économies du monde. Pleinement intégrées, interdépendantes. Mais plus que cela, nous sommes deux composantes d’une seule communauté démocratique, façonnée par des sacrifices communs, enracinée dans des valeurs communes et engagée dans la construction d’un avenir meilleur.

Lorsque nous montrons la voie ensemble, nous changeons le cours de l’histoire. Et nous pouvons le faire encore maintenant. Je vous remercie.